JamesFONDATEUR ADMINISTRATEUR Nombre de messages 140903Age 58Localisation Mon Ailleurs c'est Charleville-MĂ©ziĂšresDate d'inscription 04/09/2007Sujet Ce que c'est que la mort de Victor HUGO 1802-1885 Mer 24 FĂ©v - 1806 Ce que c'est que la mortNe dites pas mourir ; dites naĂźtre. voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est l'homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ;On tĂąche d'oublier le bas, la fin, l'Ă©cueil,La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ;Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ;Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme vit, usant ses jours Ă se remplir d'orgueil ;On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? C'est la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelqu'un dans l'infini Qui chante, et par quelqu'un on sent qu'on est bĂ©ni, Sans voir la main d'oĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante L'amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, d'extase et d'azur s'emplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un les longs silences, je m'entends rĂȘver... James
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I Le droit incarnĂ©, câest le citoyen ; le droit couronnĂ©, câest le lĂ©gislateur. Les rĂ©publiques anciennes se reprĂ©sentaient le droit assis dans la chaise curule, ayant en main ce sceptre, la loi, et vĂȘtu de cette pourpre, lâautoritĂ©. Cette figure Ă©tait vraie, et lâidĂ©al nâest pas autre aujourdâhui. Toute sociĂ©tĂ© rĂ©guliĂšre doit avoir Ă son sommet le droit sacrĂ© et armĂ©, sacrĂ© par la justice, armĂ© de la libertĂ©. Dans ce qui vient dâĂȘtre dit, le mot force nâa pas Ă©tĂ© prononcĂ©. La force existe pourtant ; mais elle nâexiste pas hors du droit ; elle existe dans le droit. Qui dit droit dit force. Quây a-t-il donc hors du droit ? La violence. Il nây a quâune nĂ©cessitĂ©, la vĂ©ritĂ© ; câest pourquoi il nây a quâune force, le droit. Le succĂšs en dehors de la vĂ©ritĂ© et du droit est une apparence. La courte vue des tyrans sây trompe ; un guet-apens rĂ©ussi leur fait lâeffet dâune victoire, mais cette victoire est pleine de cendre ; le criminel croit que son crime est son complice ; erreur ; son crime est son punisseur ; toujours lâassassin se coupe Ă son couteau ; toujours la trahison trahit le traĂźtre ; les dĂ©linquants, sans quâils sâen doutent, sont tenus au collet par leur forfait, spectre invisible ; jamais une mauvaise action ne vous lĂąche ; et fatalement, par un itinĂ©raire inexorable, aboutissant aux cloaques de sang pour la gloire et aux abĂźmes de boue pour la honte, sans rĂ©mission pour les coupables, les Dix-huit Brumaire conduisent les grands Ă Waterloo et les Deux-DĂ©cembre traĂźnent les petits Ă Sedan. Quand ils dĂ©pouillent et dĂ©couronnent le droit, les hommes de violence et les traĂźtres dâĂ©tat ne savent ce quâils font. II Lâexil, câest la nuditĂ© du droit. Rien de plus terrible. Pour qui ? Pour celui qui subit lâexil ? Non, pour celui qui lâinflige. Le supplice se retourne et mord le bourreau. Un rĂȘveur qui se promĂšne seul sur une grĂšve, un dĂ©sert autour dâun songeur, une tĂȘte vieillie et tranquille autour de laquelle tournent des oiseaux de tempĂȘte, Ă©tonnĂ©s, lâassiduitĂ© dâun philosophe au lever rassurant du matin, Dieu pris Ă tĂ©moin de temps en temps en prĂ©sence des rochers et des arbres, un roseau qui non seulement pense, mais mĂ©dite, des cheveux qui de noirs deviennent gris et de gris deviennent blancs dans la solitude, un homme qui se sent de plus en plus devenir une ombre, le long passage des annĂ©es sur celui qui est absent, mais qui nâest pas mort, la gravitĂ© de ce dĂ©shĂ©ritĂ©, la nostalgie de cet innocent, rien de plus redoutable pour les malfaiteurs couronnĂ©s. Quoi que fassent les tout-puissants momentanĂ©s, lâĂ©ternel fond leur rĂ©siste. Ils nâont que la surface de la certitude, le dessous appartient aux penseurs. Vous exilez un homme. Soit. Et aprĂšs ? Vous pouvez arracher un arbre de ses racines, vous nâarracherez pas le jour du ciel. Demain, lâaurore. Pourtant, rendons cette justice aux proscripteurs ; ils sont logiques, parfaits, abominables. Ils font tout ce quâils peuvent pour anĂ©antir le proscrit. Parviennent-ils Ă leur but ? rĂ©ussissent-ils ? sans doute. Un homme tellement ruinĂ© quâil nâa plus que son honneur, tellement dĂ©pouillĂ© quâil nâa plus que sa conscience, tellement isolĂ© quâil nâa plus prĂšs de lui que lâĂ©quitĂ©, tellement reniĂ© quâil nâa plus avec lui que la vĂ©ritĂ©, tellement jetĂ© aux tĂ©nĂšbres quâil ne lui reste plus que le soleil, voilĂ ce que câest quâun proscrit. III Lâexil nâest pas une chose matĂ©rielle, câest une chose morale. Tous les coins de terre se valent. Angulus ridet. Tout lieu de rĂȘverie est bon, pourvu que le coin soit obscur et que lâhorizon soit vaste. En particulier lâarchipel de la Manche est attrayant ; il nâa pas de peine Ă ressembler Ă la patrie, Ă©tant la France. Jersey et Guernesey sont des morceaux de la Gaule, cassĂ©e au huitiĂšme siĂšcle par la mer. Jersey a eu plus de coquetterie que Guernesey ; elle y a gagnĂ© dâĂȘtre plus jolie et moins belle. Ă Jersey la forĂȘt sâest faite jardin ; Ă Guernesey le rocher est restĂ© colosse. Plus de grĂące ici, plus de majestĂ© lĂ . Ă Jersey on est en Normandie, Ă Guernesey on est en Bretagne. Un bouquet grand comme la ville de Londres, câest Jersey. Tout y est parfum, rayon, sourire ; ce qui nâempĂȘche pas les visites de la tempĂȘte. Celui qui Ă©crit ces pages a quelque part qualifiĂ© Jersey une idylle en pleine mer ». Aux temps paĂŻens, Jersey a Ă©tĂ© plus romaine et Guernesey plus celtique ; on sent Ă Jersey Jupiter et Ă Guernesey TeutatĂšs. Ă Guernesey, la fĂ©rocitĂ© a disparu, mais la sauvagerie est restĂ©e. Ă Guernesey, ce qui fut jadis druidique est maintenant huguenot ; ce nâest plus Moloch, mais câest Calvin ; lâĂ©glise est froide, le paysage est prude, la religion a de lâhumeur. Somme toute, deux Ăźles charmantes ; lâune aimable, lâautre revĂȘche. Un jour la reine dâAngleterre, plus que la reine dâAngleterre, la duchesse de Normandie, vĂ©nĂ©rable et sacrĂ©e six jours sur sept, fit une visite, avec salves, fumĂ©e, vacarme et cĂ©rĂ©monie, Ă Guernesey. CâĂ©tait un dimanche, le seul jour de la semaine qui ne fĂ»t pas Ă elle. La reine, devenue brusquement cette femme », violait le repos du Seigneur. Elle descendit sur le quai au milieu de la foule muette. Pas un front ne se dĂ©couvrit. Un seul homme la salua, le proscrit qui parle ici. Il ne saluait pas une reine ; mais une femme. LâĂźle dĂ©vote fut bourrue. Ce puritanisme a sa grandeur. Guernesey est faite pour ne laisser au proscrit que de bons souvenirs ; mais lâexil existe en dehors du lieu dâexil. Au point de vue intĂ©rieur, on peut dire il nây a pas de bel exil. Lâexil est le pays sĂ©vĂšre ; lĂ tout est renversĂ©, inhabitable, dĂ©moli et gisant, hors le devoir, seul debout, qui, comme un clocher dâĂ©glise dans une ville Ă©croulĂ©e, paraĂźt plus haut de toute cette chute autour de lui. Lâexil est un lieu de chĂątiment. De qui ? Du tyran. Mais le tyran se dĂ©fend. IV Attendez-vous Ă tout, vous qui ĂȘtes proscrit. On vous jette au loin, mais on ne vous lĂąche pas. Le proscripteur est curieux et son regard se multiplie sur vous. Il vous fait des visites ingĂ©nieuses et variĂ©es. Un respectable pasteur protestant sâassied Ă votre foyer, ce protestantisme Ă©marge Ă la caisse Tronsin-Dumersan ; un prince Ă©tranger qui baragouine se prĂ©sente, câest Vidocq qui vient vous voir ; est-ce un vrai prince ? oui ; il est de sang royal, et aussi de la police ; un professeur gravement doctrinaire sâintroduit chez vous, vous le surprenez lisant vos papiers. Tout est permis contre vous ; vous ĂȘtes hors la loi, câest-Ă -dire hors lâĂ©quitĂ©, hors la raison, hors le respect, hors la vraisemblance ; on se dira autorisĂ© par vous Ă publier vos conversations, et lâon aura soin quâelles soient stupides ; on vous attribuera des paroles que vous nâavez pas dites, des lettres que vous nâavez pas Ă©crites, des actions que vous nâavez pas faites. On vous approche pour mieux choisir la place oĂč lâon vous poignardera ; lâexil est Ă claire-voie ; on y regarde comme dans une fosse aux bĂȘtes ; vous ĂȘtes isolĂ©, et guettĂ©. NâĂ©crivez pas Ă vos amis de France ; il est permis dâouvrir vos lettres ; la cour de cassation y consent ; dĂ©fiez-vous de vos relations de proscrit, elles aboutissent Ă des choses obscures ; cet homme qui vous sourit Ă Jersey vous dĂ©chire Ă Paris ; celui-ci qui vous salue sous son nom vous insulte sous un pseudonyme ; celui-lĂ , Ă Jersey mĂȘme, Ă©crit contre les hommes de lâexil des pages dignes dâĂȘtre offertes aux hommes de lâempire, et auxquelles du reste il rend justice en les dĂ©diant aux banquiers Pereire. Tout cela est tout simple, sachez-le. Vous ĂȘtes au lazaret. Si quelquâun dâhonnĂȘte vient vous voir, malheur Ă lui. La frontiĂšre lâattend, et lâempereur est lĂ sous sa forme gendarme. On mettra des femmes nues pour chercher sur elles un livre de vous, et si elles rĂ©sistent, si elles sâindignent, on leur dira ce nâest pas pour votre peau. Le maĂźtre, qui est le traĂźtre, vous entoure de qui bon lui semble ; le prescripteur dispose de la qualitĂ© de proscrit ; il en orne ses agents ; aucune sĂ©curitĂ© ; prenez garde Ă vous ; vous parlez Ă un visage, câest un masque qui entend ; votre exil est hantĂ© par ce spectre, lâespion. Un inconnu, trĂšs mystĂ©rieux, vient vous parler bas Ă lâoreille ; il vous dĂ©clare que, si vous le voulez, il se charge dâassassiner lâempereur ; câest Bonaparte qui vous offre de tuer Bonaparte. Ă vos banquets de fraternitĂ©, quelquâun dans un coin criera Vive Marat ! vive HĂ©bert ! vive la guillotine ! Avec un peu dâattention vous reconnaĂźtrez la voix de Carlier. Quelquefois lâespion mendie ; lâempereur vous demande lâaumĂŽne par son PiĂ©tri ; vous donnez, il rit ; gaĂźtĂ© de bourreau. Vous payez les dettes dâauberge de cet exilĂ©, câest un agent ; vous payez le voyage de ce fugitif, câest un sbire ; vous passez la rue, vous entendez dire VoilĂ le vrai tyran ! Câest de vous quâon parle ; vous vous retournez ; qui est cet homme ? on vous rĂ©pond câest un proscrit. Point. Câest un fonctionnaire. Il est farouche et payĂ©. Câest un rĂ©publicain signĂ© Maupas. Coco se dĂ©guise en ScĂŠvola. Quant aux inventions, quant aux impostures, quant aux turpitudes, acceptez-les. Ce sont les projectiles de lâempire. Surtout ne rĂ©clamez pas. On rirait. AprĂšs la rĂ©clamation, lâinjure recommencera, la mĂȘme, sans mĂȘme prendre la peine de varier ; Ă quoi bon changer de bave ? celle dâhier est bonne. Lâoutrage continuera, sans relĂąche, tous les jours, avec la tranquillitĂ© infatigable et la conscience satisfaite de la roue qui tourne et de la vĂ©nalitĂ© qui ment. De reprĂ©sailles point ; lâinjure se dĂ©fend par sa bassesse ; la platitude sauve lâinsecte. LâĂ©crasement de zĂ©ro est impossible. Et la calomnie, sĂ»re de lâimpunitĂ©, sâen donne Ă cĆur joie ; elle descend Ă de si niaises indignitĂ©s que lâabaissement de la dĂ©mentir dĂ©passe le dĂ©goĂ»t de lâendurer. Les insulteurs ont pour public les imbĂ©ciles. Cela fait un gros rire. On en vient Ă sâĂ©tonner que vous ne trouviez pas tout naturel dâĂȘtre calomniĂ©. Est-ce que vous nâĂȘtes pas lĂ pour cela ? Ă homme naĂŻf, vous ĂȘtes cible. Tel personnage est de lâacadĂ©mie pour vous avoir insultĂ© ; tel autre a la croix pour le mĂȘme acte de bravoure, lâempereur lâa dĂ©corĂ© sur le champ dâhonneur de la calomnie ; tel autre, qui sâest distinguĂ© aussi par des affronts dâĂ©clat, est nommĂ© prĂ©fet. Vous outrager est lucratif. Il faut bien que les gens vivent. Dame ! pourquoi ĂȘtes-vous exilĂ© ? Soyez raisonnable. Vous ĂȘtes dans votre tort. Qui vous forçait de trouver mauvais le coup dâĂ©tat ? Quelle idĂ©e avez-vous eue de combattre pour le droit ? Quel caprice vous a passĂ© par la tĂȘte de vous rĂ©volter du cĂŽtĂ© de la loi ? Est-ce quâon prend la dĂ©fense du droit et de la loi quand ils nâont plus personne pour eux ? VoilĂ bien les dĂ©magogues ! sâentĂȘter, persĂ©vĂ©rer, persister, câest absurde. Un homme poignarde le droit et assassine la loi. Il est probable quâil a ses raisons. Soyez avec cet homme. Le succĂšs le fait juste. Soyez avec le succĂšs puisque le succĂšs devient le droit. Tout le monde vous en saura grĂ©. Nous ferons votre Ă©loge. Au lieu dâĂȘtre proscrit vous serez sĂ©nateur, et vous nâaurez pas la figure dâun idiot. Osez-vous douter du bon droit de cet homme ? mais vous voyez bien quâil a rĂ©ussi ! Vous voyez bien que les juges qui lâavaient mis en accusation lui prĂȘtent serment ! Vous voyez bien que les prĂȘtres, les soldats, les Ă©vĂȘques, les gĂ©nĂ©raux, sont avec lui ! Vous croyez avoir plus de vertu que tout cela ! vous voulez tenir tĂȘte Ă tout cela ! Allons donc ! Dâun cĂŽtĂ© tout ce qui est respectĂ©, tout ce qui est respectable, tout ce qui est vĂ©nĂ©rĂ©, tout ce qui est vĂ©nĂ©rable, de lâautre, vous ! Câest inepte ; et nous vous bafouons, et nous faisons bien. Mentir contre une brute est permis. Tous les honnĂȘtes gens sont contre vous ; et nous, les calomniateurs, nous sommes avec les honnĂȘtes gens. Voyons, rĂ©flĂ©chissez, rentrez en vous-mĂȘme. Il fallait bien sauver la sociĂ©tĂ©. De qui ? de vous. De quoi ne la menaciez-vous pas ? Plus de guerre, plus dâĂ©chafaud, lâabolition de la peine de mort, lâenseignement gratuit et obligatoire, tout le monde sachant lire ! CâĂ©tait affreux. Et que dâutopies abominables ! la femme de mineure faite majeure, cette moitiĂ© du genre humain admise au suffrage universel, le mariage libĂ©rĂ© par le divorce ; lâenfant pauvre instruit comme lâenfant riche, lâĂ©galitĂ© rĂ©sultant de lâĂ©ducation ; lâimpĂŽt diminuĂ© dâabord et supprimĂ© enfin par la destruction des parasitismes, par la mise en location des Ă©difices nationaux, par lâĂ©gout transformĂ© en engrais, par la rĂ©partition des biens communaux, par le dĂ©frichement des jachĂšres, par lâexploitation de la plus-value sociale ; la vie Ă bon marchĂ©, par lâempoissonnement des fleuves ; plus de classes, plus de frontiĂšres, plus de ligatures, la rĂ©publique dâEurope, lâunitĂ© monĂ©taire continentale, la circulation dĂ©cuplĂ©e dĂ©cuplant la richesse ; que de folies ! il fallait bien se garer de tout cela ! Quoi ! la paix serait faite parmi les hommes, il nây aurait plus dâarmĂ©e, il nây aurait plus de service militaire ! Quoi ! la France serait cultivĂ©e de façon Ă pouvoir nourrir deux cent cinquante millions dâhommes ; il nây aurait plus dâimpĂŽt, la France vivrait de ses rentes ! Quoi ! la femme voterait, lâenfant aurait un droit devant le pĂšre, la mĂšre de famille ne serait plus une sujette et une servante, le mari nâaurait plus le droit de tuer sa femme ! Quoi ! le prĂȘtre ne serait plus le maĂźtre ! Quoi ! il nây aurait plus de batailles, il nây aurait plus de soldats, il nây aurait plus de bourreaux, il nây aurait plus de potences et de guillotines ! mais câest Ă©pouvantable ! il fallait nous sauver. Le prĂ©sident lâa fait ; vive lâempereur ! â Vous lui rĂ©sistez ; nous vous dĂ©chirons ; nous Ă©crivons sur vous des choses quelconques. Nous savons bien que ce que nous disons nâest pas vrai, mais nous protĂ©geons la sociĂ©tĂ©, et la calomnie qui protĂšge la sociĂ©tĂ© est dâutilitĂ© publique. Puisque la magistrature est avec le coup dâĂ©tat, la justice y est aussi ; puisque le clergĂ© est avec le coup dâĂ©tat, la religion y est aussi ; la religion et la justice sont des figures immaculĂ©es et saintes ; la calomnie qui leur est utile participe de lâhonneur quâon leur doit ; câest une fille publique, soit, mais elle sert des vierges. Respectez-la. Ainsi raisonnent les insulteurs. Ce que le proscrit a de mieux Ă faire, câest de penser Ă autre chose. V Puisquâil est au bord de la mer, quâil en profite. Que cette mobilitĂ© sous lâinfini lui donne la sagesse. Quâil mĂ©dite sur lâĂ©meute Ă©ternelle des flots contre le rivage et des impostures contre la vĂ©ritĂ©. Les diatribes sont vainement convulsives. Quâil regarde la vague cracher sur le rocher, et quâil se demande ce que cette salive y gagne et ce que ce granit y perd. Non, pas de rĂ©volte contre lâinjure, pas de dĂ©pense dâĂ©motion, pas de reprĂ©sailles, ayez une tranquillitĂ© sĂ©vĂšre. La roche ruisselle, mais ne bouge pas. Parfois elle brille du ruissellement. La calomnie finit par ĂȘtre un lustre. Ă un ruban dâargent sur la rose, on reconnaĂźt que la chenille a passĂ©. Le crachat au front du Christ, quoi de plus beau ! Un prĂȘtre, un certain SĂ©gur, a appelĂ© Garibaldi poltron. Et, en verve de mĂ©taphore, il ajoute Comme la lune. â Garibaldi poltron comme la lune ! Ceci plaĂźt Ă la pensĂ©e. Et il en dĂ©coule des consĂ©quences. Achille est lĂąche, donc Thersite est brave ; Voltaire est stupide, donc SĂ©gur est profond. Que le proscrit fasse son devoir, et quâil laisse la diatribe faire sa besogne. Que le proscrit traquĂ©, trahi, huĂ©, aboyĂ©, mordu, se taise. Câest grand le silence. Aussi bien vouloir Ă©teindre lâinjure, câest lâattiser. Tout ce que lâon jette Ă la calomnie lui est combustible. Elle emploie Ă son mĂ©tier sa propre honte. La contredire, câest la satisfaire. Au fond, la calomnie estime profondĂ©ment le calomniĂ©. Câest elle qui souffre ; elle meurt du dĂ©dain. Elle aspire Ă lâhonneur dâun dĂ©menti. Ne le lui accordez pas. Ătre souffletĂ©e lui prouverait quâon lâaperçoit. Elle montrerait sa joue toute chaude en disant Donc jâexiste ! VI Dâailleurs, pourquoi et de quoi les proscrits se plaindraient-ils ? Regardez toute lâhistoire. Les grands hommes sont encore plus insultĂ©s quâeux. Lâoutrage est une vieille habitude humaine ; jeter des pierres plaĂźt aux mains fainĂ©antes ; malheur Ă tout ce qui dĂ©passe le niveau ; les sommets ont la propriĂ©tĂ© de faire venir dâen haut la foudre et dâen bas la lapidation. Câest presque leur faute ; pourquoi sont-ils des sommets ? Ils attirent le regard et lâaffront. Ce passant, lâenvieux, nâest jamais absent de la rue et a pour fonction la haine ; et toujours on le rencontre, petit et furieux, dans lâombre des hauts Ă©difices. Les spĂ©cialistes auraient des Ă©tudes Ă faire dans la recherche des causes dâinsomnie des grands hommes. HomĂšre dort, bonus dormitat ; ce sommeil est piquĂ© par ZoĂŻle. Eschyle sent sur sa peau la cuisson dâEupolis et de Cratinus ; ces infiniment petits abondent ; Virgile a sur lui MĆvius ; Horace, Licilius ; JuvĂ©nal, Codrus ; Dante a Cecchi ; Shakespeare a Green ; Rotrou a ScudĂ©ri, et Corneille a lâacadĂ©mie ; MoliĂšre a Donneau de VisĂ©, Montesquieu a Desfontaines, Buffon a Labeaumelle, Jean-Jacques a Palissot, Diderot a Nonotte, Voltaire a FrĂ©ron. La gloire, lit dorĂ© oĂč il y a des punaises. Lâexil nâest pas la gloire, mais il a avec la gloire cette ressemblance, la vermine. LâadversitĂ© nâest pas une chose quâon laisse tranquille. Voir le sommeil du juste banni dĂ©plaĂźt aux ramasseurs de miettes sous les tables de NĂ©ron ou de TibĂšre. Comment, il dort ! il est donc heureux ! mordons-le ! Un homme terrassĂ©, gisant, balayĂ© dehors ce qui est tout simple ; quand Vitellius est lâidole, JuvĂ©nal est lâordure, un expulsĂ©, un dĂ©shĂ©ritĂ©, un vaincu, on est jaloux de cela. Chose bizarre, les proscrits ont des envieux. Cela se comprendrait des hautes vertus enviant les hautes infortunes, de Caton enviant RĂ©gulus, de ThrasĂ©as enviant Brutus, de Rabbe enviant BarbĂšs. Mais point. Ce sont les vils qui se mĂȘlent dâĂȘtre jaloux des altiers ; ce qui est importunĂ© par la fiĂšre protestation du vaincu, câest la nullitĂ© plate et vaine. Gustave Planche jalouse Louis Blanc, Baculard jalouse Milton, et Jocrisse jalouse Eschyle. Lâinsulteur antique ne suivait que le char du vainqueur, lâinsulteur actuel suit la claie du vaincu. Le vaincu saigne. Les insulteurs ajoutent leur boue Ă ce sang. Soit. Quâils aient cette joie. Cette joie paraĂźt dâautant plus rĂ©elle quâelle nâest point haĂŻe du maĂźtre et quâelle est habituellement payĂ©e. Les fonds secrets sâĂ©panouissent en outrages publics. Les despotes, dans leur guerre aux proscrits, ont deux auxiliaires ; premiĂšrement, lâenvie, deuxiĂšmement, la corruption. Quand on dit ce que câest que lâexil, il faut entrer un peu dans le dĂ©tail. Lâindication de certains rongeurs spĂ©ciaux fait partie du sujet, et nous avons dĂ» pĂ©nĂ©trer dans cette entomologie. VII Tels sont les petits cĂŽtĂ©s de lâexil, voici les grands Songer, penser, souffrir. Ătre seul et sentir quâon est avec tous ; exĂ©crer le succĂšs du mal, mais plaindre le bonheur du mĂ©chant ; sâaffermir comme citoyen et se purifier comme philosophe ; ĂȘtre pauvre, et rĂ©parer sa ruine avec son travail ; mĂ©diter et prĂ©mĂ©diter, mĂ©diter le bien et prĂ©mĂ©diter le mieux ; nâavoir dâautre colĂšre que la colĂšre publique, ignorer la haine personnelle ; respirer le vaste air vivant des solitudes, sâabsorber dans la grande rĂȘverie absolue ; regarder ce qui est en haut sans perdre de vue ce qui est en bas ; ne jamais pousser la contemplation de lâidĂ©al jusquâĂ lâoubli du tyran ; constater en soi le magnifique mĂ©lange de lâindignation qui sâaccroĂźt et de lâapaisement qui augmente ; avoir deux Ăąmes, son Ăąme et la patrie. Une chose est douce, câest la pitiĂ© dâavance ; tenir la clĂ©mence prĂȘte pour le coupable quand il sera terrassĂ© et agenouillĂ© ; se dire quâon ne repoussera jamais des mains jointes. On sent une joie auguste Ă faire aux vaincus de lâavenir, quels quâils soient, et aux fugitifs inconnus une promesse dâhospitalitĂ©. La colĂšre dĂ©sarme devant lâennemi accablĂ©. Celui qui Ă©crit ces lignes a habituĂ© ses compagnons dâexil Ă lui entendre dire â Si jamais, le lendemain dâune rĂ©volution, Bonaparte en fuite frappe Ă ma porte et me demande asile, pas un cheveu ne tombera de sa tĂȘte. Ces mĂ©ditations, compliquĂ©es de tous les dĂ©chaĂźnements de lâadversitĂ©, plaisent Ă la conscience du proscrit. Elles ne lâempĂȘchent pas de faire son devoir. Loin de lĂ . Elles lây encouragent. Sois dâautant plus sĂ©vĂšre aujourdâhui que tu seras plus compatissant demain ; foudroie le puissant en attendant que tu secoures le suppliant. Plus tard, tu ne mettras Ă ton amnistie quâune condition, le repentir. Aujourdâhui tu as affaire au crime heureux. Frappe. Creuser le prĂ©cipice Ă lâennemi vainqueur, prĂ©parer lâasile Ă lâennemi vaincu, combattre avec lâespoir de pouvoir pardonner, câest lĂ le grand effort et le grand rĂȘve de lâexil. Ajoutez Ă cela le dĂ©vouement Ă la souffrance universelle. Le proscrit a ce contentement magnanime de ne pas ĂȘtre inutile. BlessĂ© lui-mĂȘme, saignant lui-mĂȘme, il sâoublie, et il panse de son mieux la plaie humaine. On croit quâil fait des songes ; non ; il cherche la rĂ©alitĂ©. Disons plus, il la trouve. Il rĂŽde dans le dĂ©sert et il songe aux villes, aux tumultes, aux fourmillements, aux misĂšres, Ă tout ce qui travaille, Ă la pensĂ©e, Ă la charrue, Ă lâaiguille aux doigts rouges de lâouvriĂšre sans feu dans la mansarde, au mal qui pousse lĂ oĂč lâon ne sĂšme pas le bien, au chĂŽmage du pĂšre, Ă lâignorance de lâenfant, Ă la croissance des mauvaises herbes dans les cerveaux laissĂ©s incultes, aux rues le soir, aux pĂąles rĂ©verbĂšres, aux offres que la faim peut faire aux passants, aux extrĂ©mitĂ©s sociales, Ă la triste fille qui se prostitue, hommes, par notre faute. Sondages douloureux et utiles. Couvez le problĂšme, la solution Ă©clora. Il rĂȘve sans relĂąche. Ses pas le long de la mer ne sont point perdus. Il fraternise avec cette puissance, lâabĂźme. Il regarde lâinfini, il Ă©coute lâignorĂ©. La grande voix sombre lui parle. Toute la nature en foule sâoffre Ă ce solitaire. Les analogies sĂ©vĂšres lâenseignent et le conseillent. Fatal, persĂ©cutĂ©, pensif, il a devant lui les nuĂ©es, les souffles, les aigles ; il constate que sa destinĂ©e est tonnante et noire comme les nuĂ©es, que ses persĂ©cuteurs sont vains comme les souffles, et que son Ăąme est libre comme les aigles. Un exilĂ© est un bienveillant. Il aime les roses, les nids, le va-et-vient des papillons. LâĂ©tĂ© il sâĂ©panouit dans la douce joie des ĂȘtres ; il a une foi inĂ©branlable dans la bontĂ© secrĂšte et infinie, Ă©tant puĂ©ril au point de croire en Dieu ; il fait du printemps sa maison ; les entrelacements des branches, pleins de charmants antres verts, sont la demeure de son esprit ; il vit en avril, il habite florĂ©al ; il regarde les jardins et les prairies, Ă©motion profonde ; il guette les mystĂšres dâune touffe de gazon ; il Ă©tudie ces rĂ©publiques, les fourmis et les abeilles ; il compare les mĂ©lodies diverses joutant pour lâoreille dâun Virgile invisible dans la gĂ©orgique des bois ; il est souvent attendri jusquâaux larmes parce que la nature est belle ; la sauvagerie des halliers lâattire, et il en sort doucement effarĂ© ; les attitudes des rochers lâoccupent ; il voit Ă travers sa rĂȘverie les petites filles de trois ans courir sur la grĂšve, leurs pieds nus dans la mer, leurs jupes retroussĂ©es Ă deux bras, montrant Ă la fĂ©conditĂ© immense leur ventre innocent ; lâhiver, il Ă©miette du pain sur la neige pour les oiseaux. De temps en temps on lui Ă©crit Vous savez, telle pĂ©nalitĂ© est abolie ; vous savez, telle tĂȘte ne sera pas coupĂ©e. Et il lĂšve les mains au ciel. VIII Contre cet homme dangereux les gouvernements se prĂȘtent main-forte. Ils sâaccordent rĂ©ciproquement entre eux la persĂ©cution des proscrits, les internements, les expulsions, quelquefois les extraditions. Les extraditions ! oui, les extraditions. Il en fut question Ă Jersey, en 1855. Les exilĂ©s purent voir, le 18 octobre, amarrĂ© au quai de Saint-HĂ©lier, un navire de la marine impĂ©riale, lâAriel, qui venait les chercher ; Victoria offrait les proscrits Ă NapolĂ©on ; dâun trĂŽne Ă lâautre on se fait de ces politesses. Le cadeau nâeut pas lieu. La presse royaliste anglaise applaudissait ; mais le peuple de Londres le prenait mal. Il se mit Ă gronder. Ce peuple est ainsi fait ; son gouvernement peut ĂȘtre caniche, lui il est dogue. Le dogue, câest un lion dans un chien ; la majestĂ© dans la probitĂ©, câest le peuple anglais. Ce bon et fier peuple montra les dents ; Palmerston et Bonaparte durent se contenter de lâexpulsion. Les proscrits sâĂ©murent mĂ©diocrement. Ils reçurent avec un sourire la signification officielle, un peu baragouinĂ©e. Soit, dirent les proscrits. Expioulcheune. Cette prononciation les satisfit. Ă cette Ă©poque, si les gouvernements Ă©taient de connivence avec le prescripteur, on sentait entre les proscrits et les peuples une complicitĂ© superbe. Cette solidaritĂ©, dâoĂč rĂ©sultera lâavenir, se manifestait sous toutes les formes, et lâon en trouvera les marques Ă chacune des pages de ce livre. Elle Ă©clatait Ă lâoccasion dâun passant quelconque, dâun homme isolĂ©, dâun voyageur reconnu sur une route ; faits imperceptibles sans doute, et de peu dâimportance, mais significatifs. En voici un qui mĂ©rite peut-ĂȘtre quâon sâen souvienne. IX En lâĂ©tĂ© de 1867, Louis Bonaparte avait atteint le maximum de gloire possible Ă un crime. Il Ă©tait sur le sommet de sa montagne, car on arrive en haut de la honte ; rien ne lui faisait plus obstacle ; il Ă©tait infĂąme et suprĂȘme ; pas de victoire plus complĂšte, car il semblait avoir vaincu les consciences. MajestĂ©s et altesses, tout Ă©tait Ă ses pieds ou dans ses bras ; Windsor, le Kremlin, SchĆnbrunn et Potsdam se donnaient rendez-vous aux Tuileries ; on avait tout, la gloire politique, M. Rouher ; la gloire militaire, M. Bazaine ; et la gloire littĂ©raire, M. Nisard ; on Ă©tait acceptĂ© par de grands caractĂšres, tels que MM. Vieillard et MĂ©rimĂ©e ; le Deux-DĂ©cembre avait pour lui la durĂ©e, les quinze annĂ©es de Tacite, grande mortalis Ćvi spatium ; lâempire Ă©tait en plein triomphe et en plein midi, sâĂ©talant. On se moquait dâHomĂšre sur les théùtres et de Shakespeare Ă lâacadĂ©mie. Les professeurs dâhistoire affirmaient que LĂ©onidas et Guillaume Tell nâavaient jamais existĂ© ; tout Ă©tait en harmonie ; rien ne dĂ©tonnait, et il y avait accord entre la platitude des idĂ©es et la soumission des hommes ; la bassesse des doctrines Ă©tait Ă©gale Ă la fiertĂ© des personnages ; lâavilissement faisait loi ; une sorte dâAnglo-France existait, mi-partie de Bonaparte et de Victoria, composĂ©e de libertĂ© selon Palmerston et dâempire selon Troplong ; plus quâune alliance, presque un baiser. Le grand juge dâAngleterre rendait des arrĂȘts de complaisance ; le gouvernement britannique se dĂ©clarait le serviteur du gouvernement impĂ©rial, et, comme on vient de le voir, lui prouvait sa subordination par des expulsions, des procĂšs, des menaces dâalien-bill, et de petites persĂ©cutions, format anglais. Cette Anglo-France proscrivait la France et humiliait lâAngleterre, mais elle rĂ©gnait ; la France esclave, lâAngleterre domestique, telle Ă©tait la situation. Quant Ă lâavenir, il Ă©tait masquĂ©. Mais le prĂ©sent Ă©tait de lâopprobre Ă visage dĂ©couvert, et, de lâaveu de tous, câĂ©tait magnifique. Ă Paris, lâexposition universelle resplendissait et Ă©blouissait lâEurope ; il y avait lĂ des merveilles ; entre autres, sur un piĂ©destal, le canon Krupp, et lâempereur des français fĂ©licitait le roi de Prusse. CâĂ©tait le grand moment prospĂšre. Jamais les proscrits nâavaient Ă©tĂ© plus mal vus. Dans certains journaux anglais, on les appelait les rebelles ». Dans ce mĂȘme Ă©tĂ©, un jour du mois de juillet, un passager faisait la traversĂ©e de Guernesey Ă Southampton. Ce passager Ă©tait un de ces rebelles » dont on vient de parler. Il Ă©tait reprĂ©sentant du peuple en 1851 et avait Ă©tĂ© exilĂ© le 2 dĂ©cembre. Ce passager, dont le nom est inutile Ă dire ici, car il nâa Ă©tĂ© que lâoccasion du fait que nous allons raconter, sâĂ©tait embarquĂ© le matin mĂȘme, Ă Saint-Pierre-Port, sur le bateau-poste Normandy. La traversĂ©e de Guernesey Ă Southampton est de sept ou huit heures. CâĂ©tait lâĂ©poque oĂč le khĂ©dive, aprĂšs avoir saluĂ© NapolĂ©on, venait saluer Victoria, et, ce jour-lĂ mĂȘme, la reine dâAngleterre offrait au vice-roi dâĂgypte le spectacle de la flotte anglaise dans la rade de Sheerness, voisine de Southampton. Le passager dont nous venons de parler Ă©tait un homme Ă cheveux blancs, silencieux, attentif Ă la mer. Il se tenait debout prĂšs du timonier. Le Normandy avait quittĂ© Guernesey Ă dix heures du matin ; il Ă©tait environ trois heures de lâaprĂšs-midi ; on approchait des Needles, qui marquent lâextrĂ©mitĂ© sud de lâĂźle de Wight ; on apercevait cette haute architecture sauvage de la mer et ces colossales pointes de craie qui sortent de lâocĂ©an comme les clochers dâune prodigieuse cathĂ©drale engloutie ; on allait entrer dans la riviĂšre de Southampton ; le timonier commençait Ă manĆuvrer Ă bĂąbord. Le passager regardait lâapproche des Aiguilles, quand tout Ă coup il sâentendit appeler par son nom ; il se retourna ; il avait devant lui le capitaine du navire. Ce capitaine Ă©tait Ă peu prĂšs du mĂȘme Ăąge que lui ; il se nommait Harvey ; il avait de robustes Ă©paules, dâĂ©pais favoris blancs, la face hĂąlĂ©e et fiĂšre, lâĆil gai. â Est-il vrai, monsieur, dit-il, que vous dĂ©siriez voir la flotte anglaise ? Le passager nâavait pas exprimĂ© ce vĆu, mais il avait entendu des femmes tĂ©moigner vivement ce dĂ©sir autour de lui. Il se borna Ă rĂ©pondre â Mais, capitaine, ce nâest pas votre itinĂ©raire. Le capitaine reprit â Ce sera mon itinĂ©raire si vous le voulez. Le passager eut un mouvement de surprise. â Changer votre route ? â Oui. â Pour mâĂȘtre agrĂ©able ? â Oui. â Un vaisseau français ne ferait pas cela pour moi ! â Ce quâun vaisseau français ne ferait pas pour vous, dit le capitaine, un vaisseau anglais le fera. Et il reprit â Seulement, pour ma responsabilitĂ© devant mes chefs, Ă©crivez-moi sur mon livre votre volontĂ©. Et il prĂ©senta son livre de bord au passager, qui Ă©crivit sous sa dictĂ©e Je dĂ©sire voir la flotte anglaise », et signa. Un moment aprĂšs, le steamer obliquait Ă tribord, laissait Ă gauche les Aiguilles et la riviĂšre de Southampton et entrait dans la rade de Sheerness. Le spectacle Ă©tait beau en effet. Toutes les batteries mĂȘlaient leurs fumĂ©es et leurs tonnerres ; les silhouettes des massifs navires cuirassĂ©s sâĂ©chelonnaient les unes derriĂšre les autres dans une brume rougeĂątre, vaste pĂȘle-mĂȘle de mĂątures apparues et disparues ; le Normandy passait au milieu de ces hautes ombres, saluĂ© par les hurrahs ; cette course Ă travers la flotte anglaise dura plus de deux heures. Vers sept heures, quand le Normandy arriva Ă Southampton, il Ă©tait pavoisĂ©. Un des amis du capitaine Harvey, M. Rascol, directeur du Courrier de lâEurope, lâattendait sur le port ; il sâĂ©tonna du navire pavoisĂ©. â Pour qui donc avez-vous pavoisĂ©, capitaine ? Pour le khĂ©dive ? Le capitaine rĂ©pondit â Pour le proscrit. Pour le proscrit. Traduisez Pour la France. Nous nâaurions pas racontĂ© ce fait, sâil nâempruntait une grandeur singuliĂšre Ă la fin du capitaine Harvey. Cette fin, la voici. Trois ans aprĂšs cette revue de Sheerness, trĂšs peu de temps aprĂšs avoir remis Ă son passager de juillet 1867 une adresse des marins de la Manche, dans la nuit du 17 mars 1870, le capitaine Harvey faisait son trajet habituel de Southampton Ă Guernesey. Une brume couvrait la mer. Le capitaine Harvey Ă©tait debout sur la passerelle du steamer, et manĆuvrait avec prĂ©caution, Ă cause de la nuit et du brouillard. Les passagers dormaient. Le Normandy Ă©tait un trĂšs grand navire, le plus beau peut-ĂȘtre des bateaux-poste de la Manche, six cents tonneaux, deux cent vingt pieds anglais de long, vingt-cinq de large ; il Ă©tait jeune », comme disent les marins, il nâavait pas sept ans. Il avait Ă©tĂ© construit en 1863. Le brouillard sâĂ©paississait, on Ă©tait sorti de la riviĂšre de Southampton, on Ă©tait en pleine mer, Ă environ quinze milles au delĂ des Aiguilles. Le packet avançait lentement. Il Ă©tait quatre heures du matin. LâobscuritĂ© Ă©tait absolue, une sorte de plafond bas enveloppait le steamer, on distinguait Ă peine la pointe des mĂąts. Rien de terrible comme ces navires aveugles qui vont dans la nuit. Tout Ă coup dans la brume une noirceur surgit ; fantĂŽme et montagne, un promontoire dâombre courant dans lâĂ©cume et trouant les tĂ©nĂšbres. CâĂ©tait la Mary, grand steamer Ă hĂ©lice, venant dâOdessa, allant Ă Grimsby, avec un chargement de cinq cents tonnes de blĂ© ; vitesse Ă©norme, poids immense. La Mary courait droit sur le Normandy. Nul moyen dâĂ©viter lâabordage, tant ces spectres de navires dans le brouillard se dressent vite. Ce sont des rencontres sans approche. Avant quâon ait achevĂ© de les voir, on est mort. La Mary, lancĂ©e Ă toute vapeur, prit le Normandy par le travers, et lâĂ©ventra. Du choc, elle-mĂȘme, avariĂ©e, sâarrĂȘta. Il y avait sur le Normandy vingt-huit hommes dâĂ©quipage, une femme de service, la stuartess, et trente et un passagers, dont douze femmes. La secousse fut effroyable. En un instant, tous furent sur le pont, hommes, femmes, enfants, demi-nus, courant, criant, pleurant. Lâeau entrait furieuse. La fournaise de la machine, atteinte par le flot, rĂąlait. Le navire nâavait pas de cloisons Ă©tanches ; les ceintures de sauvetage manquaient. Le capitaine Harvey, droit sur la passerelle de commandement, cria â Silence tous, et attention ! Les canots Ă la mer. Les femmes dâabord, les passagers ensuite. LâĂ©quipage aprĂšs. Il y a soixante personnes Ă sauver. On Ă©tait soixante et un. Mais il sâoubliait. On dĂ©tacha les embarcations Tous sây prĂ©cipitaient. Cette hĂąte pouvait faire chavirer les canots. Ockleford, le lieutenant, et les trois contre-maĂźtres, Goodwin, Bennett et West, continrent cette foule Ă©perdue dâhorreur. Dormir, et tout Ă coup, et tout de suite, mourir, câest affreux. Cependant, au-dessus des cris et des bruits, on entendait la voix grave du capitaine, et ce bref dialogue sâĂ©changeait dans les tĂ©nĂšbres â MĂ©canicien Locks ? â Capitaine ? â Comment est le fourneau ? â NoyĂ©. â Le feu ? â Ăteint. â La machine ? â Morte. Le capitaine cria â Lieutenant Ockleford ? Le lieutenant rĂ©pondit â PrĂ©sent. Le capitaine reprit â Combien avons-nous de minutes ? â Vingt. â Cela suffit, dit le capitaine. Que chacun sâembarque Ă son tour. Lieutenant Ockleford, avez-vous vos pistolets ? â Oui, capitaine. â BrĂ»lez la cervelle Ă tout homme qui voudrait passer avant une femme. Tous se turent. Personne ne rĂ©sista ; cette foule sentant au-dessus dâelle cette grande Ăąme. La Mary, de son cĂŽtĂ©, avait mis ses embarcations Ă la mer, et venait au secours de ce naufrage quâelle avait fait. Le sauvetage sâopĂ©ra avec ordre et presque sans lutte. Il y avait, comme toujours, de tristes Ă©goĂŻsmes ; il y eut aussi de pathĂ©tiques dĂ©vouements[1]. Harvey, impassible Ă son poste de capitaine, commandait, dominait, dirigeait, sâoccupait de tout et de tous, gouvernait avec calme cette angoisse, et semblait donner des ordres Ă la catastrophe. On eĂ»t dit que le naufrage lui obĂ©issait. Ă un certain moment il cria â Sauvez ClĂ©ment. ClĂ©ment, câĂ©tait le mousse. Un enfant. Le navire dĂ©croissait lentement dans lâeau profonde. On hĂątait le plus possible le va-et-vient des embarcations entre le Normandy et la Mary. â Faites vite, criait le capitaine. Ă la vingtiĂšme minute le steamer sombra. Lâavant plongea dâabord, puis lâarriĂšre. Le capitaine Harvey, debout sur la passerelle, ne fit pas un geste, ne dit pas un mot, et entra immobile dans lâabĂźme. On vit, Ă travers la brume sinistre, cette statue noire sâenfoncer dans la mer. Ainsi finit le capitaine Harvey. Quâil reçoive ici lâadieu du proscrit. Pas un marin de la Manche ne lâĂ©galait. AprĂšs sâĂȘtre imposĂ© toute sa vie le devoir dâĂȘtre un homme, il usa en mourant du droit dâĂȘtre un hĂ©ros. X Est-ce que le proscrit liait le prescripteur ? Non. Il le combat ; câest tout. Ă outrance ? oui. Comme ennemi public toujours, jamais comme ennemi personnel. La colĂšre de lâhonnĂȘte homme ne va pas au delĂ du nĂ©cessaire. Le proscrit exĂšcre le tyran et ignore la personne du proscripteur. Sâil la connaĂźt, il ne lâattaque que dans la proportion du devoir. Au besoin le proscrit rend justice au proscripteur ; si le proscripteur, par exemple, est dans une certaine mesure Ă©crivain et a une littĂ©rature suffisante, le proscrit en convient volontiers. Il est incontestable, soit dit en passant, que NapolĂ©on III eĂ»t Ă©tĂ© un acadĂ©micien convenable ; lâacadĂ©mie sous lâempire avait, par politesse sans doute, suffisamment abaissĂ© son niveau pour que lâempereur pĂ»t en ĂȘtre ; lâempereur eĂ»t pu se croire lĂ parmi ses pairs littĂ©raires, et sa majestĂ© nâeĂ»t aucunement dĂ©parĂ© celle des quarante. Ă lâĂ©poque oĂč lâon annonçait la candidature de lâempereur Ă un fauteuil vacant, un acadĂ©micien de notre connaissance, voulant rendre Ă la fois justice Ă lâhistorien de CĂ©sar et Ă lâhomme de DĂ©cembre, avait dâavance rĂ©digĂ© ainsi son bulletin de vote Je vote pour lâadmission de M. Louis Bonaparte Ă lâacadĂ©mie et au bagne. On le voit, toutes les concessions possibles, le proscrit les fait. Il nâest absolu quâau point de vue des principes. LĂ son inflexibilitĂ© commence. LĂ il cesse dâĂȘtre ce que dans le jargon politique on nomme un homme pratique ». De lĂ ses rĂ©signations Ă tout, aux violences, aux injures, Ă la ruine, Ă lâexil. Que voulez-vous quâil y fasse ? Il a dans la bouche la vĂ©ritĂ© qui, au besoin, parlerait malgrĂ© lui. Parler par elle et pour elle, câest lĂ son fier bonheur. Le vrai a deux noms ; les philosophes lâappellent lâidĂ©al, les hommes dâĂ©tat lâappellent le chimĂ©rique. Les hommes dâĂ©tat ont-ils raison ? Nous ne le pensons pas. Ă les entendre, tous les conseils que peut donner un proscrit sont chimĂ©riques ». En admettant, disent-ils, que ces conseils aient pour eux la vĂ©ritĂ©, ils ont contre eux la rĂ©alitĂ©. Examinons. Le proscrit est un homme chimĂ©rique. Soit. Câest un voyant aveugle ; voyant du cĂŽtĂ© de lâabsolu, aveugle du cĂŽtĂ© du relatif. Il fait de bonne philosophie et de mauvaise politique. Si on lâĂ©coutait, on irait aux abĂźmes. Ses conseils sont des conseils dâhonnĂȘtetĂ© et de perdition. Les principes lui donnent raison, mais les faits lui donnent tort. Voyons les faits. John Brown est vaincu Ă Harperâs Ferry. Les hommes dâĂ©tat disent Pendez-le. Le proscrit dit Respectez-le. On pend John Brown ; lâUnion se disloque, la guerre du Sud Ă©clate. John Brown Ă©pargnĂ©, câĂ©tait lâAmĂ©rique Ă©pargnĂ©e. Au point de vue du fait, qui a eu raison, les hommes pratiques, ou lâhomme chimĂ©rique ? DeuxiĂšme fait. Maximilien est pris Ă Queretaro. Les hommes pratiques disent Fusillez-le. Lâhomme chimĂ©rique dit Graciez-le. On fusille Maximilien. Cela suffit pour rapetisser une chose immense. LâhĂ©roĂŻque lutte du Mexique perd son suprĂȘme lustre, la clĂ©mence hautaine. Maximilien graciĂ©, câĂ©tait le Mexique dĂ©sormais inviolable, câĂ©tait cette nation, qui avait constatĂ© son indĂ©pendance par la guerre, constatant par la civilisation sa souverainetĂ© ; câĂ©tait, sur le front de ce peuple, aprĂšs le casque, la couronne. Cette fois encore, lâhomme chimĂ©rique voyait juste. TroisiĂšme fait. Isabelle est dĂ©trĂŽnĂ©e. Que va devenir lâEspagne ? rĂ©publique ou monarchie ? Sois monarchie ! disent les hommes dâĂ©tat ! Sois rĂ©publique ! dit le proscrit. Lâhomme chimĂ©rique nâest pas Ă©coutĂ©, les hommes pratiques lâemportent ; lâEspagne se fait monarchie. Elle tombe dâIsabelle en AmĂ©dĂ©e, et dâAmĂ©dĂ©e en Alphonse, en attendant Carlos ; ceci ne regarde que lâEspagne. Mais voici qui regarde le monde cette monarchie en quĂȘte dâun monarque donne prĂ©texte Ă Hohenzollern ; de lĂ lâembuscade de la Prusse, de lĂ lâĂ©gorgement de la France, de lĂ Sedan, de lĂ la honte et la nuit. Supposez lâEspagne rĂ©publique, nul prĂ©texte Ă un guet-apens, aucun Hohenzollern possible, pas de catastrophes. Donc le conseil du proscrit Ă©tait sage. Si par hasard on dĂ©couvrait un jour cette chose Ă©trange que la vĂ©ritĂ© nâest pas imbĂ©cile, que lâesprit de compassion et de dĂ©livrance a du bon, que lâhomme fort câest lâhomme droit, et que câest la raison qui a raison ! Aujourdâhui, au milieu des calamitĂ©s, aprĂšs la guerre Ă©trangĂšre, aprĂšs la guerre civile, en prĂ©sence des responsabilitĂ©s encourues de deux cĂŽtĂ©s, le proscrit dâautrefois songe aux proscrits dâaujourdâhui, il se penche sur les exils, il a voulu sauver John Brown, il a voulu sauver Maximilien, il a voulu sauver la France, ce passĂ© lui Ă©claire lâavenir, il voudrait fermer la plaie de la patrie et il demande lâamnistie. Est-ce un aveugle ? est-ce un voyant ? XI En dĂ©cembre 1851, quand celui qui Ă©crit ces lignes arriva chez lâĂ©tranger, la vie eut dâabord quelque duretĂ©. Câest en exil surtout que se fait sentir le res angusta domi. Cette esquisse sommaire de ce que câest que lâexil » ne serait pas complĂšte si ce cĂŽtĂ© matĂ©riel de lâexistence du proscrit nâĂ©tait pas indiquĂ©, en passant, et du reste, avec la sobriĂ©tĂ© convenable. De tout ce que cet exilĂ© avait possĂ©dĂ© il lui restait sept mille cinq cents francs de revenu annuel. Son théùtre, qui lui rapportait soixante mille francs par an, Ă©tait supprimĂ©. La hĂątive vente Ă lâencan de son mobilier avait produit un peu moins de treize mille francs. Il avait neuf personnes Ă nourrir. Il avait Ă pourvoir aux dĂ©placements, aux voyages, aux emmĂ©nagements nouveaux, aux mouvements dâun groupe dont il Ă©tait le centre, Ă tout lâinattendu dâune existence dĂ©sormais arrachĂ©e de terre et maniable Ă tous les vents ; un proscrit, câest un dĂ©racinĂ©. Il fallait conserver la dignitĂ© de la vie et faire en sorte quâautour de lui personne ne souffrĂźt. De lĂ une nĂ©cessitĂ© immĂ©diate de travail. Disons que la premiĂšre maison dâexil, Marine-Terrace, Ă©tait louĂ©e au prix trĂšs modĂ©rĂ© de quinze cents francs par an. Le marchĂ© français Ă©tait fermĂ© Ă ses publications. Ses premiers Ă©diteurs belges imprimĂšrent tous ses livres sans lui rendre aucun compte, entre autres les deux volumes des Ćuvres oratoires. NapolĂ©on le Petit fit seul exception. Quant aux ChĂątiments, ils coĂ»tĂšrent Ă lâauteur deux mille cinq cents francs. Cette somme, confiĂ©e Ă lâĂ©diteur Samuel, nâa jamais Ă©tĂ© remboursĂ©e. Le produit total de toutes les Ă©ditions des ChĂątiments a Ă©tĂ© pendant dix-huit ans confisquĂ© par les Ă©diteurs Ă©trangers. Les journaux royalistes anglais faisaient sonner trĂšs haut lâhospitalitĂ© anglaise, mĂ©langĂ©e, on sâen souvient, dâassauts nocturnes et dâexpulsions, du reste comme lâhospitalitĂ© belge. Ce que lâhospitalitĂ© anglaise avait de complet, câĂ©tait sa tendresse pour les livres des exilĂ©s. Elle rĂ©imprimait ces livres et les publiait et les vendait avec lâempressement le plus cordial au bĂ©nĂ©fice des Ă©diteurs anglais. LâhospitalitĂ© pour le livre allait jusquâĂ oublier lâauteur. La loi anglaise, qui fait partie de lâhospitalitĂ© britannique, permet ce genre dâoubli. Le devoir dâun livre est de laisser mourir de faim lâauteur, tĂ©moin Chatterton, et dâenrichir lâĂ©diteur. Les ChĂątiments en particulier ont Ă©tĂ© vendus et se vendent encore et toujours en Angleterre au profit unique du libraire Jeffs. Le théùtre anglais nâĂ©tait pas moins hospitalier pour les piĂšces françaises que la librairie anglaise pour les livres français. Aucun droit dâauteur nâa jamais Ă©tĂ© payĂ© pour Ruy Blas, jouĂ© plus de deux cents fois en Angleterre. Ce nâest pas sans raison, on le voit, que la presse royaliste-bonapartiste de Londres reprochait aux proscrits dâabuser de lâhospitalitĂ© anglaise. Cette presse a souvent appelĂ© celui qui Ă©crit ces lignes, avare. Elle lâappelait aussi ivrogne », abandonned drinker. Ces dĂ©tails font partie de lâexil. XII Cet exilĂ© ne se plaint de rien. Il a travaillĂ©. Il a reconstruit sa vie pour lui et pour les siens. Tout est bien. Y a-t-il du mĂ©rite Ă ĂȘtre proscrit ? Non. Cela revient Ă demander Y a-t-il du mĂ©rite Ă ĂȘtre honnĂȘte homme ? Un proscrit est un honnĂȘte homme qui persiste dans lâhonnĂȘtetĂ©. VoilĂ tout. Il y a telle Ă©poque oĂč cette persistance est rare. Soit. Cette raretĂ© ĂŽte quelque chose Ă lâĂ©poque, mais nâajoute rien Ă lâhonnĂȘte homme. LâhonnĂȘtetĂ©, comme la virginitĂ©, existe en dehors de lâĂ©loge. Vous ĂȘtes pur parce que vous ĂȘtes pur. Lâhermine nâa aucun mĂ©rite Ă ĂȘtre blanche. Un reprĂ©sentant proscrit pour le peuple fait un acte de probitĂ©. Il a promis, il tient sa promesse. Il la tient au delĂ mĂȘme de la promesse, comme doit faire tout homme scrupuleux. Câest en cela que le mandat impĂ©ratif est inutile ; le mandat impĂ©ratif a le tort de mettre un mot dĂ©gradant sur une chose noble, qui est lâacceptation du devoir ; en outre, il omet lâessentiel, qui est le sacrifice ; le sacrifice, nĂ©cessaire Ă accomplir, impossible Ă imposer. Lâengagement rĂ©ciproque, la main de lâĂ©lu mise dans la main de lâĂ©lecteur, le mandant et le mandataire se donnent mutuellement parole, le mandataire de dĂ©fendre le mandant, le mandant de soutenir le mandataire, deux droits et deux forces mĂȘlĂ©s, telle est la vĂ©ritĂ©. Cela Ă©tant, le reprĂ©sentant doit faire son devoir, et le peuple le sien. Câest la dette de la conscience acquittĂ©e des deux cĂŽtĂ©s. Mais quoi, se dĂ©vouer jusquâĂ lâexil ? Sans doute. Alors câest beau ; non, câest simple. Tout ce quâon peut dire du reprĂ©sentant proscrit, câest quâil nâa pas trompĂ© sur la qualitĂ© de la chose promise. Un mandat est un contrat. Il nây a aucune gloire Ă ne point vendre Ă faux poids. Le reprĂ©sentant honnĂȘte homme exĂ©cute le contrat. Il doit aller, et il va, jusquâau bout de lâhonneur et de la conscience. LĂ il trouve le prĂ©cipice. Soit. Il y tombe. Parfaitement. Y meurt-il ? Non, il y vit. XIII RĂ©sumons-nous. Ce genre dâexistence, lâexil, a, on le voit, une certaine variĂ©tĂ© dâaspects. Câest de cette vie, agitĂ©e si lâon regarde la destinĂ©e, tranquille si lâon regarde lâĂąme, quâa vĂ©cu, de 1851 Ă 1870, du Deux-DĂ©cembre au Quatre-Septembre, lâabsent qui rend aujourdâhui compte Ă son pays de son absence par la publication de ce livre. Cette absence a durĂ© dix-neuf ans et neuf mois. Quâa-t-il fait pendant ces longues annĂ©es ? Il a essayĂ© de ne pas ĂȘtre inutile. La seule belle chose de cette absence, câest que lui, misĂ©rable, les misĂšres sont venues le trouver ; les naufrages ont demandĂ© secours Ă ce naufragĂ©. Non seulement les individus, mais les peuples ; non seulement les peuples, mais les consciences ; non seulement les consciences, mais les vĂ©ritĂ©s. Il lui a Ă©tĂ© donnĂ© de tendre la main du haut de son Ă©cueil Ă lâidĂ©al tombĂ© dans le gouffre ; il lui semblait par moments que lâavenir en dĂ©tresse tĂąchait dâaborder Ă son rocher. QuâĂ©tait-il pourtant ? Peu de chose. Un effort vivant. En prĂ©sence de toutes les mauvaises forces conjurĂ©es et triomphantes, quâest-ce quâune volontĂ© ? Rien, si elle reprĂ©sente lâĂ©goĂŻsme ; tout, si elle reprĂ©sente le droit. La plus inexpugnable des positions rĂ©sulte du plus profond des Ă©croulements ; il suffit que lâhomme Ă©croulĂ© soit un homme juste ; insistons-y, si cet homme a raison, il est bon quâil soit accablĂ©, ruinĂ©, spoliĂ©, expatriĂ©, bafouĂ©, insultĂ©, reniĂ©, calomniĂ© et quâil rĂ©sume en lui toutes les formes de la dĂ©faite et de la faiblesse ; alors il est tout-puissant. Il est indomptable ayant en lui la droiture ; il est invincible ayant pour lui la rĂ©alitĂ©. Quelle force que ceci nâĂȘtre rien ! Nâavoir plus rien Ă soi, nâavoir plus rien sur soi, câest la meilleure condition de combat. Cette absence dâarmure prouve lâinvulnĂ©rable. Pas de situation plus haute que celle-lĂ , ĂȘtre tombĂ© pour la justice. En face de lâempereur se dresse le proscrit. Lâempereur damne, le proscrit condamne. Lâun dispose des codes et des juges ; lâautre dispose des vĂ©ritĂ©s. Oui, il est bon dâĂȘtre tombĂ©. La chute de ce qui a Ă©tĂ© la prospĂ©ritĂ© fait lâautoritĂ© dâun homme ; votre pouvoir et votre richesse sont souvent votre obstacle ; quand cela vous quitte, vous ĂȘtes dĂ©barrassĂ©, et vous vous sentez libre et maĂźtre ; rien ne vous gĂȘne dĂ©sormais ; en vous retirant tout on vous a tout donnĂ© ; tout est permis Ă qui tout est dĂ©fendu ; vous nâĂȘtes plus contraint dâĂȘtre acadĂ©mique et parlementaire ; vous avez la redoutable aisance du vrai, sauvagement superbe. La puissance du proscrit se compose de deux Ă©lĂ©ments ; lâun qui est lâinjustice de sa destinĂ©e, lâautre qui est la justice de sa cause. Ces deux forces contradictoires sâappuient lâune sur lâautre ; situation formidable et qui peut se rĂ©sumer en deux mots Hors la loi, dans le droit. Le tyran qui vous attaque rencontre pour premier adversaire sa propre iniquitĂ©, câest-Ă -dire lui-mĂȘme, et pour deuxiĂšme adversaire votre conscience, câest-Ă -dire Dieu. Combat, certes, inĂ©gal. DĂ©faite certaine du tyran. Allez devant vous, justicier. Ce sont ces rĂ©alitĂ©s que, dans les premiĂšres pages de cette introduction, nous avons essayĂ© dâexprimer en cette ligne Lâexil, câest la nuditĂ© du droit. XIV Câest pourquoi celui qui Ă©crit ceci a Ă©tĂ© pendant ces dix-neuf annĂ©es content et triste ; content de lui-mĂȘme, triste dâautrui ; content de se sentir honnĂȘte, triste du crime Ă extension indĂ©finie qui dâĂąme en Ăąme gagnait la conscience publique et avait fini par sâappeler la satisfaction des intĂ©rĂȘts. Il Ă©tait indignĂ© et accablĂ© de ce malheur national quâon appelait la prospĂ©ritĂ© de lâempire. Les joies dâorgie sont misĂšres. Une prospĂ©ritĂ© qui est la dorure dâun forfait ment et couve une calamitĂ©. LâĆuf du Deux-DĂ©cembre est Sedan. CâĂ©taient lĂ les douleurs du proscrit, douleurs pleines de devoirs. Il pressentait lâavenir et dĂ©nonçait dans lâĂ©tourdissement des fĂȘtes lâapproche des catastrophes. Il entendait le pas des Ă©vĂ©nements auquel sont sourds les heureux. Les catastrophes sont arrivĂ©es, ayant en elles la double force dâimpulsion qui leur venait de Bonaparte et de Bismarck, dâun guet-apens punissant lâautre. En somme, lâempire est tombĂ© et la France se relĂšvera. Dix milliards et deux provinces, câest notre rançon. Câest cher, et nous avons droit au remboursement. En attendant, soyons calmes ; lâempire de moins, câest lâhonneur de plus. La situation actuelle est bonne. Mieux vaut la France mutilĂ©e par une voie de fait quâamoindrie par un dĂ©shonneur. Câest la diffĂ©rence dâune plaie Ă un virus. On guĂ©rit de la plaie, on meurt de la peste. La France eĂ»t agonisĂ© par lâempire. La honte bue, câest la France morte. Aujourdâhui la honte est vomie, la France vivra. Le peuple nâa plus rien en lui que de sain et de robuste, Ă prĂ©sent que le 18 brumaire et le 2 dĂ©cembre sont recrachĂ©s. Dans la solitude oĂč il mĂ©ditait lâavenir, les prĂ©occupations de lâexilĂ© Ă©taient sĂ©vĂšres, mais sereines ; ses dĂ©sespoirs Ă©taient mĂȘlĂ©s dâespĂ©rances. Il avait, on vient de le voir, la mĂ©lancolie du malheur public, et en mĂȘme temps la joie altiĂšre de se sentir proscrit. Lâexil Ă©tait pour cet homme une joie, parce quâil Ă©tait une puissance. Une bulle dit de Luther excommuniĂ©, mais indomptĂ© Stat coram pontifice sicut Satanas coram Jehovah. La comparaison est juste, et le proscrit qui parle ici le reconnaĂźt. Par-dessus le silence fait en France, par-dessus la tribune aplatie, par-dessus la presse bĂąillonnĂ©e, le proscrit, libre comme le Satan du vrai devant le JĂ©hovah du faux, pouvait prendre la parole et la prenait. Il dĂ©fendait le suffrage universel contre le plĂ©biscite, le peuple contre la foule, la gloire contre le reĂźtre, la justice contre le juge, le flambeau contre le bĂ»cher, et Dieu contre le prĂȘtre. De lĂ ce long cri qui remplit ce livre. De toutes parts, nous venons de le dire et dans ce livre on le verra, les dĂ©tresses sâadressaient Ă lui, sachant quâil ne reculait devant aucun devoir. Les opprimĂ©s voyaient en lui lâaccusateur public du crime universel. Il suffit, pour accepter cette mission, dâĂȘtre une Ăąme, et, pour remplir cette fonction, dâĂȘtre une voix. Une Ăąme probe et une voix libre, il a Ă©tĂ© cela. Il entendait des appels Ă lâhorizon, et du fond de son isolement il y rĂ©pondait. Câest lĂ ce quâon va lire. Toutes les persĂ©cutions des maĂźtres se dĂ©chaĂźnaient sur lui, et il y avait, et il y a encore, sur son nom une inexprimable condensation de haine ; mais quâest-ce que cela fait, et quâimporte ? Il nâen a pas moins eu le fier bonheur dâĂȘtre proscrit vingt ans, et de tenir tĂȘte, lui solitaire Ă toutes les multitudes, lui dĂ©sarmĂ© Ă toutes les lĂ©gions, lui rĂȘveur Ă tous les meurtriers, lui banni Ă tous les despotes, lui atome Ă tous les colosses, nâayant en lui que cette seule force, un rayon de lumiĂšre. Cette lumiĂšre, câĂ©tait, nous lâavons dit, le droit, lâĂ©ternel droit. Il remercie Dieu. Pendant tout le temps quâil faut Ă un front de quarante ans pour devenir un front de soixante ans, il a vĂ©cu de cette vie hautaine. Il a Ă©tĂ© lâexpulsĂ©, le traquĂ©, le chassĂ©. Il a Ă©tĂ© abandonnĂ© de tous et nâa abandonnĂ© personne. Il a connu lâexcellence du dĂ©sert ; câest au dĂ©sert quâest lâĂ©cho. LĂ on entend la clameur des peuples. Pendant que les oppresseurs travaillaient au mal sous la fixitĂ© de son regard, il a tĂąchĂ© de travailler au bien. Il a laissĂ© tous les tyrans manier toutes les foudres au-dessus de sa tĂȘte, nâayant, lui, dâautre souci que la calamitĂ© publique. Il a habitĂ© un Ă©cueil, il a rĂȘvĂ©, mĂ©ditĂ©, songĂ©, tranquille sous une nuĂ©e de colĂšre et de menaces ; et il se dĂ©clare satisfait ; car de quoi peut-on se plaindre quand on a eu vingt ans auprĂšs de soi et avec soi, la justice, la raison, la conscience, la vĂ©ritĂ©, le droit, et la mer aux bruits immenses ? Et dans toute cette ombre il a Ă©tĂ© aimĂ©. La haine nâa pas Ă©tĂ© seule sur lui ; un sombre amour rayonnait jusquâĂ sa solitude ; il a senti la profonde chaleur du peuple doux et triste, lâouverture des cĆurs sâest faite de son cĂŽtĂ©, il remercie lâimmense Ăąme humaine. Il a Ă©tĂ© aimĂ© de loin et de prĂšs. Il a eu autour de lui dâintrĂ©pides compagnons dâĂ©preuve, obstinĂ©s au devoir, opiniĂątres au juste et au vrai, combattants indignĂ©s et souriants ; cet illustre Vacquerie, cet admirable Paul Meurice, ce stoĂŻque SchĆlcher, et Ribeyrolles, et Dulac, et Kesler, ces vaillants hommes, et toi, mon Charles, et toi, mon Victor⊠â Je mâarrĂȘte. Laissez-moi me souvenir. XV Il ne finira pas ces pages, pourtant, sans dire que, durant cette longue nuit faite par lâexil, il nâa pas perdu de vue Paris un seul instant. Il le constate, et, lui qui a Ă©tĂ© si longtemps lâhabitant de lâobscuritĂ©, il a le droit de le constater, mĂȘme dans lâassombrissement de lâEurope, mĂȘme dans lâoccultation de la France, Paris ne sâĂ©clipse pas. Cela tient Ă ce que Paris est la frontiĂšre de lâavenir. FrontiĂšre visible de lâinconnu. Toute la quantitĂ© de Demain qui peut ĂȘtre entrevue dans Aujourdâhui. Câest lĂ Paris. Qui cherche des yeux le ProgrĂšs, aperçoit Paris. Il y a des villes noires ; Paris est la ville de lumiĂšre. Le philosophe la distingue au fond de ses songes. XVI Voir vivre cette ville, assister Ă cette grandeur, câest lĂ pour lâesprit une Ă©motion poignante. Aucun milieu nâest plus vaste ; aucune perspective nâest plus inquiĂ©tante et plus sublime. Ceux qui, par les hasards quelconques de la vie, ont quittĂ© la vision de Paris pour la vision de lâocĂ©an, nâont Ă©prouvĂ©, en changeant de spectacle, aucune hausse dâinfini. Dâailleurs, passer de lâhorizon des hommes Ă lâhorizon des choses, cela nâefface rien. Ce rĂȘve en arriĂšre, auquel sâopiniĂątre la mĂ©moire, est flottant comme le nuage, mais plus tenace. Lâespace nâen fait pas ce quâil veut. Le vent en marche jour et nuit, les quatre ouragans qui alternent Ă jamais, les bises, les bourrasques, les rafales, nâemportent pas la silhouette des deux tours jumelles, et ne dispersent pas lâarc de triomphe, le gothique beffroi aux tocsins, et la haute colonnade roulĂ©e autour du dĂŽme souverain ; et, derriĂšre les derniers lointains de lâabĂźme, au-dessus du bouleversement des Ă©cumes et des navires, au milieu des rayons, des nuĂ©es et des souffles, sâĂ©bauche au fond des brumes lâimmense fantĂŽme de la citĂ© immobile. Auguste apparition au banni. Paris, Ă©tant une idĂ©e autant quâune ville, a lâubiquitĂ©. Les parisiens ont Paris, et le monde lâa. On voudrait en sortir quâon ne pourrait ; Paris est respirable. Quiconque vit, mĂȘme sans le connaĂźtre, lâa en soi. Ă plus forte raison ceux qui lâont connu. La distraction sauvage de lâocĂ©an se complique de ce souvenir, Ă©gal aux tempĂȘtes. Quelque orage que fasse la mer, Paris a 93. LâĂ©vocation se fait dâelle-mĂȘme, les toits semblent surgir parmi les flots, la ville se recompose dans toute cette onde, et ce tremblement infini sây ajoute. Dans la cohue des houles on croit entendre bruire la fourmiliĂšre des rues. Charme farouche. On regarde la mer et on voit Paris. Les grandes paix que comportent ces espaces ne contrarient pas ce songe. Les vastes oublis qui vous environnent nây font rien ; la pensĂ©e arrive au calme, mais Ă un calme qui admet ce trouble ; lâĂ©paisse enveloppe des tĂ©nĂšbres laisse passer la lueur qui vient de derriĂšre lâhorizon, et qui est Paris. On y pense, donc on le possĂšde. Il se mĂȘle, indistinct, aux diffusions muettes de la mĂ©ditation. Lâapaisement sublime du ciel constellĂ© ne suffit pas Ă dissoudre au fond dâun esprit cette grande figure de la citĂ© suprĂȘme. Ces monuments, cette histoire, ce peuple en travail, ces femmes qui sont des dĂ©esses, ces enfants qui sont des hĂ©ros, ces rĂ©volutions commençant par la colĂšre et finissant par le chef-dâĆuvre, cette toute-puissance sacrĂ©e dâun tourbillon dâintelligences, ces exemples tumultueux, cette vie, cette jeunesse ; tout cela est prĂ©sent Ă lâabsent ; et Paris reste inoubliable, et Paris demeure ineffaçable et insubmersible, mĂȘme pour lâhomme abĂźmĂ© dans lâombre qui passe ses nuits en contemplation devant la sĂ©rĂ©nitĂ© Ă©ternelle, et qui a dans lâĂąme la stupeur profonde des Ă©toiles. Novembre 1875. â Voir aux Notes.
LesPauvres Gens. par Victor Hugo. I. Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close. Le logis est plein d'ombre, et l'on sent quelque chose. Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur. Des filets de pécheur sont
ARCHIVES - Il y a 130 ans, Victor Hugo, gĂ©nie littĂ©raire et homme politique s'Ă©teint aprĂšs une longue agonie. Le Figaro du 23 mai 1885 lui consacre l'intĂ©gralitĂ© de son supplĂ©ment littĂ©raire dans lequel Ernest Renan lui rend un poignant hommage.C'en est fait, Victor Hugo entrĂ© vivant dans la postĂ©ritĂ©, entre aujourd'hui glorieux dans la mort», voici comment dĂ©bute l'article sur la mort de Victor Hugo en Une du Figaro le 23 mai 1885. Victor Hugo est dĂ©jĂ un mythe de son vivant. Le journal consacre sa premiĂšre page toute entiĂšre pour annoncer la triste Figaro poursuit ni dans ce siĂšcle, ni dans nul des siĂšcles qui l'ont prĂ©cĂ©dĂ©, la France n'a possĂ©dĂ© un poĂšte de cet hauteur, de cette abondance et de cette envergure».Bien qu'attendue depuis plusieurs jours, l'annonce de la mort de Victor Hugo est un vĂ©ritable France entiĂšre est en deuil. Les sĂ©nateurs et les dĂ©putĂ©s optent pour des obsĂšques nationales. DĂšs le 27 mai 1885, il est dĂ©cidĂ© par dĂ©cret au Journal Officiel que Victor Hugo sera inhumĂ© au PanthĂ©on. Avant les funĂ©railles fixĂ©es au 1er juin 1885, le corps de Victor Hugo est exposĂ© sous l'Arc-de-Triomphe toute la journĂ©e du dimanche 31 mai 1885. L'extĂ©rieur du monument est tendu de noir et le catafalque est illuminĂ© de bouquets de bougies et de trĂ©pieds Ă flammes vertes».ConformĂ©ment Ă ses derniĂšres volontĂ©s testament du 2 aoĂ»t 1883, le corps est transportĂ© dans le corbillard du pauvre».Le jour des funĂ©railles, plus d'un million de personnes l'ont suivi jusqu'au PanthĂ©on. Victor Hugo est devenu le Français le plus populaire ses oeuvres et ses valeurs ont franchi les un sondage montre que parmi les Ă©crivains morts -dits classiques-, Victor Hugo occupe la premiĂšre place devant Marcel Pagnol, Jules Verne et Ămile paru dans Le supplĂ©mĂ©nt littĂ©raire du dimanche du Figaro du 23 mai Victor Hugo a Ă©tĂ© une des preuves de l'unitĂ© de notre conscience française. L'admiration qui entourait ses derniĂšres annĂ©es a montrĂ© qu'il y a encore des points sur lesquels nous sommes d'accord. Sans distinction de classes de partis, de sectes, d'opinions littĂ©raires, le public, depuis quelques jours, a Ă©tĂ© suspendu aux rĂ©cits navrants de son agonie et maintenant il n'est personne qui sente au cĆur de la patrie un grand vide. Il Ă©tait un membre essentiel de l'Eglise en la communion de laquelle nous vivons; on dirait que la flĂšche de cette vieille cathĂ©drale s'est Ă©croulĂ©e avec la noble existence qui a portĂ© le plus haut en notre siĂšcle le drapeau de l' Figaro annonce en Une du 23 mai 1885 la mort de Victor Hugo. Le FigaroM. Victor Hugo fut un trĂšs grand homme; ce fut surtout un homme extraordinaire, vraiment unique. Il semble qu'il fĂ»t créé par un dĂ©cret spĂ©cial et nominatif de l'Ăternel. Toutes les catĂ©gories de l'histoire littĂ©raire sont en lui dĂ©jouĂ©es. La critique qui essaiera un jour de dĂ©mĂȘler ses origines se trouvera en prĂ©sence du problĂšme le plus compliquĂ©. Fut-il Français, Allemand, Espagnol?Il fut tout cela et quelque chose encore. Son gĂ©nie est au-dessus de toutes les distinctions de race; aucune des familles qui se partagent l'espĂšce humaine au physique et au moral ne peut se l' spiritualiste? Est-il matĂ©rialiste? Je l'ignore. D'un cĂŽtĂ©, il ne sait pas ce que c'est que l'abstraction; son culte principal, j'ose presque dire unique, est pour deux ou trois Ă©normes rĂ©alitĂ©s, telles que Paris, NapolĂ©on, le peuple. Sur les Ăąmes, il a les idĂ©es de Tertullien il croit les voir, les toucher; son immortalitĂ© n'est que l'immortalitĂ© de la tĂȘte. Il est avec cela hautement idĂ©aliste. L'idĂ©e pour lui pĂ©nĂštre la matiĂšre et en constitue la raison d'ĂȘtre. Son Dieu n'est pas le Dieu cachĂ© de Spinoza, Ă©tranger au dĂ©veloppement de l'univers; c'est un Dieu qu'il est peut-ĂȘtre inutile de prier, mais qu'il adorait avec une sorte de tremblement. C'est l'abĂźme des gnostiques. Sa vie s'est passĂ©e dans la puissante obsession d'un infini vivant, qui l'embrassait, le dĂ©bordait de toutes parts, et au sein duquel il lui Ă©tait doux de se perdre et de dĂ©lirer. Le monde est pour lui comme un diamant Ă mille faces, Ă©tincelant de feux intĂ©rieurs, suspendu dans une nuit sans bornes. Il veut rendre ce qu'il voit, ce qu'il sent. Cette haute philosophie, qui fut l'entretien journalier des longues heures qu'il passait seul avec lui-mĂȘme, est le secret de son gĂ©nie. Le monde est pour lui comme un diamant Ă mille faces, Ă©tincelant de feux intĂ©rieurs, suspendu dans une nuit sans bornes. Il veut rendre ce qu'il voit, ce qu'il sent; matĂ©riellement, il ne le peut. Le tranquille Ă©tat d'Ăąme du poĂšte qui croit tenir l'infini ou qui se rĂ©signe facilement Ă son impuissance, ne saurait ĂȘtre le s'obstine, il balbutie; il se raidit contre l'impossible; il ne consent pas Ă se taire comme le prophĂšte hĂ©breu, il dit volontiers Aaa, Domine, nescio loqui». Sa prodigieuse imagination complĂšte ce que sa raison n'aperçoit pas. Souvent au-dessus de l'humanitĂ©, parfois il est au-dessous. Comme un cyclope, Ă peine dĂ©gagĂ© de la matiĂšre, il a des secrets d'un monde perdu. Son Ćuvre immense est le mirage d'un univers qu'aucun Ćil ne sait plus dĂ©fauts furent ainsi des dĂ©fauts nĂ©cessaires; il n'eĂ»t pas existĂ© sans eux, ce furent les dĂ©fauts d'une force inconsciente de la nature, agissant par l'effet d'une tension intĂ©rieure. Il Ă©tait nĂ© pour ĂȘtre le clairon sonore qui renverse les murailles des villes devenues vieilles. Il s'agissait de rompre avec le culte exclusif d'un passĂ© glorieux, mais insuffisant. Le dix-septiĂšme et le dix-huitiĂšme siĂšcle avaient excellĂ© dans une conception bornĂ©e de l'esprit grands Ă©crivains de ce temps n'avaient voulu voir que le fini; les choses leur apparaissaient dans leur Ă©tat dĂ©finitif; ils ne les voyaient jamais en train de se faire. Ils n'aimaient que ce qui est clair et certain. L'infini, le dĂ©veloppement leur Ă©chappaient. Les mystĂšres des origines, les prodiges de l'instinct, le gĂ©nie des foules, l'esprit des nations, l'inconscient, le spontanĂ©, sous toutes ses formes, les dĂ©passaient. Au commencement de notre siĂšcle, le mal Ă©tait Ă son Figaro publie un supplĂ©ment supplĂ©ment exceptionnel le jour des funĂ©railles de Victor Hugo, le 1er juin 1885. Le portrait est du peintre LĂ©on Bonnat. Le FigaroLa contemplation physique de l'univers faisait des miracles; la MĂ©canique cĂ©leste de Laplace et la MĂ©canique analytique de Lagrange, composĂ©es sĂ©parĂ©ment, arrivaient Ă s'embrasser comme deux hĂ©misphĂšres combinĂ©s exprĂšs pour se rejoindre. Mais la contemplation morale de l'univers, c'est-Ă -dire la littĂ©rature, Ă©tait devenue un jeu puĂ©ril, quelque chose de vide, de factice, d' Victor Hugo fut le plus illustre parmi ceux qui entreprirent de ramener aux plus hautes aspirations cette culture intellectuelle dĂ©primĂ©e. Un souffle vraiment poĂ©tique le remplit; chez lui tout est germe et sĂšve de vie. Une singuliĂšre dĂ©couverte coĂŻncide avec celle de l'esprit nouveau, c'est que la langue française, qui pouvait ne plus sembler bonne qu'Ă rimer des petits vers spirituels ou aimables, se trouva tout Ă coup vibrante, sonore, pleine d'Ă©clat. Le poĂšte qui vient d'ouvrir Ă l'imagination et au sentiment des voies nouvelles, rĂ©vĂšle Ă la poĂ©sie française son harmonie. Ce qui n'Ă©tait qu'une cloche de plomb devient entre ses mains un timbre d' bataille fut gagnĂ©e. Qui voudrait aujourd'hui demander compte au gĂ©nĂ©ral des manĆuvres qu'il employa, des sacrifices qui furent les conditions du succĂšs? Le gĂ©nĂ©ral est obligĂ© d'ĂȘtre Ă©goĂŻste. L'armĂ©e, c'est lui; et, la personnalitĂ©, condamnable chez le reste des hommes, lui est imposĂ©e. M. Hugo Ă©tait devenu un symbole, un principe, une affirmation, l'affirmation de l'idĂ©alisme et de l'art libre. Il se devait Ă sa propre religion; il Ă©tait comme un dieu qui serait en mĂȘme temps son prĂȘtre Ă haute et forte nature se prĂȘtait Ă un tel rĂŽle, qui eĂ»t Ă©tĂ© insupportable pour tout autre. C'Ă©tait le moins libre des hommes, et cela ne lui pesait pas. Un grand instinct se faisait jour par lui. Il Ă©tait comme un ressort du monde spirituel. Il n'avait pas le temps d'avoir du goĂ»t, et cela d'ailleurs lui eĂ»t peu servi. Sa politique devait ĂȘtre celle qui allait le mieux Ă sa bataille. Elle Ă©tait en rĂ©alitĂ© subordonnĂ©e Ă ses grandes stratĂ©gies littĂ©raires, et parfois elle dut en souffrir, comme toute chose de premier ordre qu'on rĂ©duit Ă l'Ă©tat de chose secondaire et qu'on sacrifie Ă un but prĂ©fĂ©rĂ©. A mesure qu'il avançait dans la vie, le grand idĂ©alisme qui l'avait toujours rempli s'Ă©largissait, s'Ă©purait. Il Ă©tait de plus en plus pris de pitiĂ© pour les milliers d'ĂȘtres que la nature immole Ă ce qu'elle fait de grand ». A mesure qu'il avançait dans la vie, le grand idĂ©alisme qui l'avait toujours rempli s'Ă©largissait, s'Ă©purait. Il Ă©tait de plus en plus pris de pitiĂ© pour les milliers d'ĂȘtres que la nature immole Ă ce qu'elle fait de grand. Eternel honneur de notre race! Partis des deux pĂŽles opposĂ©s, M. Hugo et Voltaire se rencontrent dans l'amour de la justice et de l'humanitĂ©. En 1878, les vieilles antipathies littĂ©raires sont tombĂ©es lĂ©s froides tragĂ©dies du XVIII» siĂšcle sont oubliĂ©es; Victor Hugo dĂ©cerne Ă son adversaire l'apothĂ©ose, non certes pour son bagage littĂ©raire, mais malgrĂ© son bagage littĂ©raire. Le libĂ©ralisme est l'Ćuvre nationale de la France; on est jugĂ© dans l'Histoire d'aprĂšs la mesure des services qu'on y a se passera t-il en 1985 quand le centenaire de Victor Hugo sera cĂ©lĂ©brĂ© Ă son tour? Devant les obscuritĂ©s d'un avenir qui nous apparaĂźt fermĂ© de toutes parts, qui oserait le dire? Une seule chose est bien, probable. Ce qui est restĂ© de Voltaire restera de M. au nom d'un admirable bon sens, proclame que l'on blasphĂšme Dieu quand on croit servir sa cause en prĂȘchant la haine. M. Hugo, au nom d'un instinct grandiose, proclame un pĂšre des ĂȘtres, en qui tous les ĂȘtres sont frĂšres. Les prĂȘtres feront dĂ©faut aux funĂ©railles de M. Hugo. Cela est loyal; il eĂ»t mieux valu que les choses se fussent passĂ©es avec la mĂȘme correction aux funĂ©railles de Voltaire. Pour moi, si j'avais le droit de porter la simarre et le rabat d'un culte quelconque, et que l'on m'appelĂąt pour donner le dernier adieu Ă de tels morts, je dirais ce qui suit, en versant sur les flammes saintes quelques grains d'encens.FrĂšres et sĆurs, faites monter, avec cet encens, vos meilleures priĂšres, en souvenir de ces grands hommes Ă qui la façon Ă©purĂ©e dont ils se figurĂšrent les choses divines n'a pas permis de dĂ©sirer les chants et les rites ordinaires. Un si fort idĂ©al remplit leur Ăąme, qu'ils s'affirmĂšrent l'immortalitĂ© de cette Ăąme, comme l'immortalitĂ© de l'idĂ©al lui-mĂȘme.Ils crurent si Ă©nergiquement au vrai, au bien, Ă la justice, qu'ils conçurent ces apparentes abstractions comme une rĂ©elle et suprĂȘme existence. Leur langage sur ce point fut celui des plus simples d'entre vous. Ils se plurent aux mots dont vous vous servez; ils Ă©vitĂšrent la faute de beaucoup d'esprits subtils qui, pour ne point parler comme les siĂšcles crĂ©dules, s'extĂ©nuent Ă chercher des synonymes Ă Dieu.»PAR ERNEST RENAN
Cest alors que, le 22 mai 1885, meurt Victor Hugo. Ăcrivain, poĂšte et homme politique extrĂȘmement connu, il est cĂ©lĂšbre autant pour ses Ćuvres ( Les MisĂ©rables, La LĂ©gende des siĂšcles) que pour ses combats en faveur de la
Bien que Hugo ait lui-mĂȘme qualifiĂ© de "philosophiques" certaines de ses oeuvres - de LittĂ©rature et philosophie mĂȘlĂ©es publiĂ© en 1834 au long poĂšme intitulĂ© "Philosophie" dans Religions et religion 1880 - il ne va pas pour autant de soi que l'on puisse vĂ©ritablement parler d'une philosophie de Victor Hugo. Nietzsche estimait mĂȘme, pour sa part, que "ce qui frappe chez Victor Hugo, qui a l'ambition de vouloir passer pour un penseur c'est l'absence de la pensĂ©e". Faut-il ĂȘtre aussi sĂ©vĂšre ? On serait certes en peine de trouver chez Hugo un enchaĂźnement rationnel des idĂ©es, une argumentation en bonne et due forme ou la construction d'un systĂšme cohĂ©rent, voire des idĂ©es philosophiques entiĂšrement originales. Mais l'omniprĂ©sence, dans sa poĂ©sie comme dans son oeuvre en prose, de thĂšmes tels que Dieu, le mal, la mort, le droit et la morale, l'histoire et le progrĂšs, la fatalitĂ© et la libertĂ© tĂ©moignent de prĂ©occupations authentiquement philosophiques, si l'on admet que la philosophie ne prend pas nĂ©cessairement une forme conceptuelle, mais peut revĂȘtir une forme vivante et s'incarner dans des images. Ombre et lumiĂšre, Dieu et Satan, grotesque et sublime les antithĂšses, dont Hugo use et abuse, ne sont pas de simples figures rhĂ©toriques. Elles expriment une vision du monde conçu comme un Ă©ternel combat entre les forces antagonistes du bien et du mal. Le mal est, chez lui, en premier lieu la consĂ©quence nĂ©cessaire de la crĂ©ation "Dieu donc fit l'univers, l'univers fit le mal1." Le mal s'identifie ici au monde matĂ©riel - "Le mal, c'est la matiĂšre" - et Ă la nature elle-mĂȘme, "effrayant abĂźme" que Hugo peint sous un aspect lugubre. La loi terrible du monde c'est que "toute la nature que nous avons sous les yeux est mangeante ou mangĂ©e. [...] Notre vie est faite de mort. Telle est la loi terrifiante". On songe Ă Schopenhauer. Au sinistre tableau des misĂšres de la crĂ©ation, il faut ajouter les maux dont la responsabilitĂ© incombe Ă l'homme lui-mĂȘme. Qu'il s'agisse des ThĂ©nardier, de Clubin dans Les travailleurs de la mer ou de Barkilphedro dans L'homme qui rit, les romans de Hugo sont peuplĂ©s de personnages dont l'extrĂȘme noirceur tient tout Ă la fois au dĂ©terminisme du caractĂšre et Ă l'action des circonstances. S'il y a des Ăąmes davantage prĂ©disposĂ©es au mal et d'autres, pures et lumineuses - comme celles de Gilliatt ou de Gwynplaine -, qui inclinent naturellement au bien, toutefois, quels que soient la triste condition qui est la nĂŽtre et le lot imparti Ă chacun, l'individu possĂšde un libre arbitre qui lui permet de s'arracher Ă la fatalitĂ© - l'anankĂš - et d'Ă©couter la voix du devoir "L'homme est une prison oĂč l'Ăąme reste libre." Jean Valjean, aux prises avec sa conscience dans le chapitre "TempĂȘte sous un crĂąne" des MisĂ©rables, en est la figure exemplaire. Offre limitĂ©e. 2 mois pour 1⏠sans engagement Mais les hommes sont-ils rĂ©ellement responsables du mal ? Les textes suggĂšrent parfois le contraire "Ah ! vous voulez qu'on soit responsable ? De quoi ? /D'ĂȘtre homme de tel siĂšcle ou bien fils de tel roi ? [...] Est-on donc accusable et sera-t-on puni /De la place oĂč vous met l'obscure destinĂ©e ?" Cette idĂ©e, selon laquelle l'homme naĂźt innocent, est de plus en plus accentuĂ©e chez Hugo, Ă mesure que s'affirme sa pensĂ©e sociale et politique. Il accuse dĂ©sormais l'ignorance et les circonstances "HumanitĂ©, c'est identitĂ©. Tous les hommes sont la mĂȘme argile. Nulle diffĂ©rence, ici-bas du moins, dans la prĂ©destination. MĂȘme ombre avant, mĂȘme chair pendant, mĂȘme cendre aprĂšs. Mais l'ignorance mĂȘlĂ©e Ă la pĂąte humaine la noircit." Le mal ne saurait donc ĂȘtre une fatalitĂ©. Et si l'histoire "a Ă©tĂ© presque toujours Ă©crite jusqu'Ă prĂ©sent au point de vue misĂ©rable du fait ; il est temps de l'Ă©crire au point de vue du principe". L'optimisme de Hugo procĂšde ici de la conviction que l'histoire est en marche, que "Nous allons Ă l'amour, au bien, Ă l'harmonie" et que "Les mondes, qu'aujourd'hui le mal habite et creuse /Echangeront leur joie Ă travers l'ombre heureuse6". La lĂ©gende des siĂšcles sera l'Ă©popĂ©e messianique de ce progrĂšs. Victor Hugo se propose d'y peindre "l'Ă©panouissement du genre humain de siĂšcle en siĂšcle, l'homme montant des tĂ©nĂšbres Ă l'idĂ©al, la transfiguration paradisiaque de l'enfer terrestre, l'Ă©closion lente et suprĂȘme de la libertĂ©". Sans doute davantage visionnaire que vĂ©ritablement philosophe, le poĂšte se conçoit comme le songeur ou le mage, dont le flambeau Ă©claire cette marche Ă l'IdĂ©al pour le reste de l'humanitĂ©. Les plus lus OpinionsLa chronique de Pierre AssoulinePierre AssoulineEditoAnne RosencherChroniquePar GĂ©rald BronnerLa chronique d'AurĂ©lien SaussayPar AurĂ©lien Saussay, chercheur Ă la London School of Economics, Ă©conomiste de l'environnement spĂ©cialiste des questions de transition Ă©nergĂ©tique
Lamort de Victor Hugo. In: bataillons scolaires de la A'ille de Paris. Ce ne serait que justice : les enfants lui doivent bien cela ! Victor Hugo Ă©tait nĂ© Ă Besançon, le septiĂšme du mois de ventĂŽse, lâan X de la RĂ©publique, câest-Ă -dire le .26 fĂ©vrier 1802 : Ce siĂšcle avait deux ans; Rome remplaçait Sparte ; DĂ©jĂ NapolĂ©on perçait sous Bonaparte .. Il est mort Ă
Bonjour bonjour ! En 4Ăšme, je viens de terminer une sĂ©quence sur lâengagement des auteurs du XIXĂšme siĂšcle La fiction pour interroger le rĂ©el avec une attention toute particuliĂšre portĂ©e Ă Victor Hugo. Nous avons lu Claude Gueux et analysĂ© deux prises de parole dâHugo son discours contre la misĂšre Ă lâAssemblĂ©e Nationale et la fin de son roman qui est un vĂ©ritable argumentaire contre la peine de mort. En complĂ©ment de sĂ©quences purement littĂ©raires comme celle-ci, jâaime leur proposer des Ćuvres modernes et souvent graphiques qui peuvent mener Ă la discussion et Ă la rĂ©flexion. Pour cette sĂ©quence, jâai donc dĂ©nichĂ© une bande dessinĂ©e autour de lâengagement de Victor Hugo. Il sâagit de Victor Hugo dit NON Ă la peine, une histoire graphique Ă©crite par Murielle Szac et illustrĂ©e par SĂ©bastien Vassant. Cette bande dessinĂ©e offre une vue dâensemble de la vie de Victor Hugo et du combat quâil a menĂ© contre la peine de mort. On y retrouve plusieurs Ă©pisodes une exĂ©cution publique sur la place de GrĂšve en 1825, la prĂ©sentation du Dernier jour dâun condamnĂ© en 1829, lâexil Ă Jersey en 1854 ainsi que lâexil Ă Guernesey en 1883. Le tout est entrecoupĂ© de souvenirs personnels comme son enfance loin de son pĂšre ou son discours Ă lâAssemblĂ©e Nationale. Dans cette histoire graphique, nous suivons la rĂ©flexion de Victor Hugo. Il rĂ©agit au monde qui lâentoure, il se pose des questions, il progresse dans son raisonnement⊠Et il nâest pas seul ! Il est sans cesse accompagnĂ© dâune voix intĂ©rieure, celle de la guillotine personnifiĂ©e, qui sâexprime dans des bulles rouges et le contredit. Durant toute lâhistoire, Victor Hugo Ă©change avec celle-ci. Il clĂŽture finalement le dĂ©bat avec une bulle que je trouve sublime. Mon seul regret sera de mourir avant toi »Victor Hugo dit NON Ă la peine de mort, Murielle Szac et SĂ©bastien Vassant. Jâai vraiment apprĂ©ciĂ© cette lecture. Elle permet de mettre des images sur un combat et sur une cause, ce qui nâest pas simple, dâautant plus quand on est en 4Ăšme. Jâai particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© de dialogue perpĂ©tuel entre Victor Hugo et la guillotine. Câest dâailleurs un point qui peut ĂȘtre exploitĂ© lors dâun atelier dâĂ©criture en classe Ă creuserâŠ. La bande dessinĂ©e offre Ă©galement un support pour une Ă©tude des auteurs exilĂ©s une autre sĂ©quence qui reste dans mes petits papiers. Vous avez lu cette bande dessinĂ©e ? Connaissez-vous dâautre supports graphiques sur lâengagement ? â
Et pour plus dâidĂ©es, dâoutils, de lectures⊠vous pouvez me retrouver sur Instagram !flaubertandco
Le 1er site dâinformation sur lâactualitĂ©. Retrouvez ici une archive du 07 mai 1952 sur le sujet L'ENFANCE ET LA JEUNESSE DE VICTOR HUGO
Nous prĂ©sentons deux textes de Victor Hugo. Le premier est celui du rĂ©cit de la mort d'HonorĂ© de Balzac 1799-1850 tandis que le deuxiĂšme est celui de l'oraison funĂšbre qu'il a prononcĂ©e devant la tombe du cĂ©lĂšbre Ă©crivain. Ăcrit d'un ton familier, le premier est truffĂ© d'anecdotes. Le second est chargĂ© de gravitĂ©, exaltant le gĂ©nie de Balzac et mĂ©ditant la mort qui est une grande Ă©galitĂ© et une grande liberté».La mort de Balzac par Victor Hugo Le 18 aoĂ»t 1850, ma femme, qui avait Ă©tĂ© dans la journĂ©e pour voir Mme de Balzac, me dit que M. de Balzac se mourait. J'y courus. M. de Balzac Ă©tait atteint depuis dix-huit mois d'une hypertrophie du coeur. AprĂšs la rĂ©volution de FĂ©vrier, il Ă©tait allĂ© en Russie et s'y Ă©tait mariĂ©. Quelques jours avant son dĂ©part, je l'avais rencontrĂ© sur le boulevard; il se plaignait dĂ©jĂ et respirait bruyamment. En mai 1850, il Ă©tait revenu en France, mariĂ©, riche et mourant. En arrivant, il avait dĂ©jĂ les jambes enflĂ©es. Quatre mĂ©decins consultĂ©s l'auscultĂšrent. L'un d'eux, M. Louis, me dit le 6 juillet Il n'a pas six semaines Ă vivre. C'Ă©tait la mĂȘme maladie que FrĂ©dĂ©ric SouliĂ©. Le 18 aoĂ»t, j'avais mon oncle, le gĂ©nĂ©ral Louis Hugo, Ă dĂźner. SitĂŽt levĂ© de table, je le quittai et je pris un fiacre qui me mena avenue FortunĂ©e, n° 14, dans le quartier Beaujon. C'Ă©tait lĂ que demeurait M. de Balzac. Il avait achetĂ© ce qui restait de l'hĂŽtel de M. de Beaujon, quelques corps de logis bas Ă©chappĂ©s par hasard Ă la dĂ©molition ; il avait magnifiquement meublĂ© ces masures et s'en Ă©tait fait un charmant petit hĂŽtel, ayant porte cochĂšre sur l'avenue FortunĂ©e et pour tout jardin une cour longue et Ă©troite oĂč les pavĂ©s Ă©taient coupĂ©s çà et lĂ de plates-bandes. Je sonnai. Il faisait un clair de lune voilĂ© de nuages. La rue Ă©tait dĂ©serte. On ne vint pas. Je sonnai une seconde fois. La porte s'ouvrit. Une servante m'apparut avec une chandelle. Que veut monsieur ? » dit-elle. Elle pleurait. Je dis mon nom. On me fit entrer dans le salon qui Ă©tait au rez-de- chaussĂ©e, et dans lequel il y avait, sur une console opposĂ©e Ă la cheminĂ©e, le buste colossal en marbre de Balzac par David. Une bougie brĂ»lait sur une riche table ovale posĂ©e au milieu du salon et qui avait en guise de pieds six statuettes dorĂ©es du plus beau goĂ»t. Une autre femme vint qui pleurait aussi et me dit Il se meurt. Madame est rentrĂ©e chez elle. Les mĂ©decins l'ont abandonnĂ© depuis hier. Il a une plaie Ă la jambe gauche. La gangrĂšne y est. Les mĂ©decins ne savent ce qu'ils font. Ils disaient que l'hydropisie de monsieur Ă©tait une hydropisie couenneuse, une infiltration, c'est leur mot, que la peau et la chair Ă©taient comme du lard et qu'il Ă©tait impossible de lui faire la ponction. Eh bien, le mois dernier, en se couchant, Monsieur s'est heurtĂ© Ă un meuble historiĂ©, la peau s'est dĂ©chirĂ©e, et toute l'eau qu'il avait dans le corps a coulĂ©. Les mĂ©decins ont dit Tiens ! Cela les a Ă©tonnĂ©s et depuis ce temps-lĂ ils lui ont fait la ponction. Ils ont dit Imitons la nature. Mais il est venu un abcĂšs Ă la jambe. C'est M. Roux qui l'a opĂ©rĂ©. Hier on a levĂ© l'appareil. La plaie, au lieu d'avoir suppurĂ©, Ă©tait rouge, sĂšche et brĂ»lante. Alors ils ont dit Il est perdu ! et ne sont plus revenus. On est allĂ© chez quatre ou cinq, inutilement. Tous ont rĂ©pondu Il n'y a rien Ă faire. La nuit a Ă©tĂ© mauvaise. Ce matin, Ă neuf heures, monsieur ne parlait plus. Madame a fait chercher un prĂȘtre. Le prĂȘtre est venu et a donnĂ© Ă Monsieur l'extrĂȘme- onction. Monsieur a fait signe qu'il comprenait. Une heure aprĂšs, il a serrĂ© la main Ă sa soeur, Mme de Surville. Depuis onze heures il rĂąle et ne voit plus rien. Il ne passera pas la nuit. Si vous voulez, monsieur, je vais aller chercher M. de Surville, qui n'est pas encore couchĂ©. » La femme me quitta. J'attendis quelques instants. La bougie Ă©clairait Ă peine le splendide ameublement du salon et de magnifiques peintures de Porbus et de Holbein suspendues aux murs. Le buste de marbre se dressait vaguement dans cette ombre comme le spectre de l'homme qui allait mourir. Une odeur de cadavre emplissait la maison. M. de Surville entra et me confirma tout ce que m'avait dit la servante. Je demandai Ă voir M. de Balzac. Nous traversĂąmes un corridor, nous montĂąmes un escalier couvert d'un tapis rouge et encombrĂ© d'objets d'art, vases, statues, tableaux, crĂ©dences portant des Ă©maux, puis un autre corridor, et j'aperçus une porte ouverte. J'entendis un rĂąlement haut et sinistre. J'Ă©tais dans la chambre de Balzac. Un lit Ă©tait au milieu de cette chambre. Un lit d'acajou ayant au pied et Ă la tĂȘte des traverses et des courroies qui indiquaient un appareil de suspension destinĂ© Ă mouvoir le malade. M. de Balzac Ă©tait dans ce lit, la tĂȘte appuyĂ©e sur un monceau d'oreillers auxquels on avait ajoutĂ© des coussins de damas rouge empruntĂ©s au canapĂ© de la chambre. Il avait la face violette, presque noire, inclinĂ©e Ă droite, la barbe non faite, les cheveux gris et coupĂ©s courts, l'oeil ouvert et fixe. Je le voyais de profil, et il ressemblait ainsi Ă l'Empereur. Une vieille femme, la garde, et un domestique se tenaient debout des deux cĂŽtĂ©s du lit. Une bougie brĂ»lait derriĂšre le chevet sur une table, une autre sur une commode prĂšs de la porte. Un vase d'argent Ă©tait posĂ© sur la table de nuit. Cet homme et cette femme se taisaient avec une sorte de terreur et Ă©coutaient le mourant rĂąler avec bruit. La bougie au chevet Ă©clairait vivement un portrait d'homme jeune, rose et souriant, suspendu prĂšs de la cheminĂ©e. Une odeur insupportable s'exhalait du lit. Je soulevai la couverture et je pris la main de Balzac. Elle Ă©tait couverte de sueur. Je la pressai. Il ne rĂ©pondit pas Ă la pression. C'Ă©tait cette mĂȘme chambre oĂč je l'Ă©tais venu voir un mois auparavant. Il Ă©tait gai, plein d'espoir, ne doutant pas de sa guĂ©rison, montrant son enflure en riant. Nous avions beaucoup causĂ© et disputĂ© politique. Il me reprochait ma dĂ©magogie». Lui Ă©tait lĂ©gitimiste. Il me disait Comment avez-vous pu renoncer avec tant de sĂ©rĂ©nitĂ© Ă ce titre de pair de France, le plus beau aprĂšs le titre de roi de France» - Il me disait aussi J'ai la maison de M. de Beaujon, moins le jardin, mais avec la tribune sur la petite Ă©glise du coin de la rue. J'ai lĂ dans mon escalier une porte qui ouvre sur l'Ă©glise. Un tour de clef et je suis Ă la messe. Je tiens plus Ă cette tribune qu'au jardin.» - Quand je l'avais quittĂ©, il m'avait reconduit jusqu'Ă cet escalier, marchant pĂ©niblement, et m'avait montrĂ© cette porte, et il avait criĂ© Ă sa femme Surtout, fais bien voir Ă Hugo tous mes tableaux.» La garde me dit Il mourra au point du jour.» Je redescendis, emportant dans ma pensĂ©e cette figure livide ; en traversant le salon, je retrouvai le buste immobile, impassible, altier et rayonnant vaguement, et je comparai la mort Ă l'immortalitĂ©. RentrĂ© chez moi, c'Ă©tait un dimanche, je trouvai plusieurs personnes qui m'attendaient, entre autres Riza-Bey, le chargĂ© d'affaires de Turquie, Navarrete, le poĂšte espagnol et le comte Arrivabene, proscrit italien. Je leur dis Messieurs, l'Europe va perdre un grand esprit.» Il mourut dans la nuit. Il avait cinquante et un ans. Extrait de Chez Soi, n° 43, 10 aoĂ»t 1907; Site Les cĂ©lĂ©britĂ©s et la mort ses-obseques-sa-tombe-anecdote Dicours prononcĂ© aux funĂ©railles de M. HonorĂ© de Balzac 29 aoĂ»t 1850 Messieurs, L'homme qui vient de descendre dans cette tombe Ă©tait de ceux auxquels la douleur publique fait cortĂšge. Dans les temps oĂč nous sommes, toutes les fictions sont Ă©vanouies. Les regards se fixent dĂ©sormais non sur les tĂȘtes qui rĂšgnent, mais sur les tĂȘtes qui pensent, et le pays tout entier tressaille lorsqu'une de ces tĂȘtes disparaĂźt. Aujourd'hui, le deuil populaire, c'est la mort de l'homme de talent; le deuil national, c'est la mort de l'homme de gĂ©nie. Messieurs, le nom de Balzac se mĂȘlera Ă la trace lumineuse que notre Ă©poque laissera Ă l'avenir. M. de Balzac faisait partie de cette puissante gĂ©nĂ©ration des Ă©crivains du dix-neuviĂšme siĂšcle qui est venue aprĂšs NapolĂ©on, de mĂȘme que l'illustre plĂ©iade du dix-septiĂšme est venue aprĂšs Richelieu - comme si, dans le dĂ©veloppement de la civilisation, il y avait une loi qui fit succĂ©der aux dominateurs par le glaive les dominateurs de par l'esprit. M. de Balzac Ă©tait un des premiers parmi les plus grands, un des plus hauts parmi les meilleurs. Ce n'est pas le lieu de dire ici tout ce qu'Ă©tait cette splendide et souveraine intelligence. Tous ses livres ne forment qu'un livre, livre vivant, lumineux, profond, oĂč l'on voit aller et venir et marcher et se mouvoir, avec je ne sais quoi d'effarĂ© et de terrible mĂȘlĂ© au rĂ©el, toute notre civilisation contemporaine; livre merveilleux que le poĂšte a intitulĂ© comĂ©die et qu'il aurait pu intituler histoire, qui prend toutes les formes et tous les styles, qui dĂ©passe Tacite et qui va jusqu'Ă SuĂ©tone, qui traverse Beaumarchais et qui va jusqu'Ă Rabelais; livre qui est l'observation et qui est l'imagination; qui prodigue le vrai, l'intime, le bourgeois, le trivial, le matĂ©riel, et qui par moment, Ă travers toutes les rĂ©alitĂ©s brusquement et largement dĂ©chirĂ©es, laisse tout Ă coup entrevoir le plus sombre et le plus tragique idĂ©al. Ă son insu, qu'il le veuille ou non, qu'il y consente ou non, l'auteur de cette oeuvre immense et Ă©trange est de la forte race des Ă©crivains rĂ©volutionnaires. Balzac va droit au but. Il saisit corps Ă corps la sociĂ©tĂ© moderne. Il arrache Ă tous quelque chose, aux uns l'illusion, aux autres l'espĂ©rance, Ă ceux-ci un cri, Ă ceux-lĂ un masque. Il fouille le vice, il dissĂšque la passion. Il creuse et sonde l'homme, l'Ăąme, le coeur, les entrailles, le cerveau, l'abĂźme que chacun a en soi. Et, par un don de sa libre et vigoureuse nature, par un privilĂšge des intelligences de notre temps qui, ayant vu de prĂšs les rĂ©volutions, aperçoivent mieux la fin de l'humanitĂ© et comprennent mieux la Providence, Balzac se dĂ©gage souriant et serein de ces redoutables Ă©tudes qui produisaient la mĂ©lancolie chez MoliĂšre et la misanthropie chez Rousseau. VoilĂ ce qu'il a fait parmi nous. VoilĂ l'oeuvre qu'il nous laissĂ©, oeuvre haute et solide, robuste entassement d'assises de granit, monument, oeuvre du haut de laquelle resplendira dĂ©sormais sa renommĂ©e. Les grands hommes font leur propre piĂ©destal; l'avenir se charge de la statue. Sa mort a frappĂ© Paris de stupeur. Depuis quelques mois il Ă©tait rentrĂ© en France. Se sentant mourir, il avait voulu revoir la patrie, comme la veille d'un grand voyage on vient embrasser sa mĂšre! Sa vie a Ă©tĂ© courte, mais pleine; plus remplie d'oeuvres que de jours! HĂ©las! ce travailleur puissant et jamais fatiguĂ©, ce philosophe, ce penseur, ce poĂšte, ce gĂ©nie, a vĂ©cu parmi nous de cette vie d'orages, de luttes, de querelles, de combats, commune dans tous les temps Ă tous les grands hommes. Aujourd'hui, le voici en paix. Il sort des contestations et des haines. Il entre, le mĂȘme jour, dans la gloire et le tombeau. Il va briller dĂ©sormais, au-dessus de toutes ces nuĂ©es qui sont nos tĂȘtes, parmi les Ă©toiles de la patrie. Vous tous qui ĂȘtes ici, est-ce que vous n'ĂȘtes pas tentĂ©s de l'envier? Messieurs, quelle que soit notre douleur en prĂ©sence d'une telle perte, rĂ©signons-nous Ă ces catastrophes. Acceptons-les dans ce qu'elles ont de poignant et de sĂ©vĂšre. Il est bon peut-ĂȘtre, il est nĂ©cessaire peut-ĂȘtre, dans une Ă©poque comme la nĂŽtre, que de temps en temps une grande mort communique aux esprits dĂ©vorĂ©s de doute et de scepticisme un Ă©branlement religieux. La Providence sait ce qu'elle fait lorsqu'elle met ainsi le peuple face Ă face avec le mystĂšre suprĂšme, et quand elle lui donne Ă mĂ©diter la mort qui est la grande Ă©galitĂ© et qui est aussi la grande libertĂ©. La Providece sait ce quelle fait, car c'est lĂ le plus haut de tous les enseignements. Il ne peut y avoir que d'austĂšres et sĂ©rieuses pensĂ©es dans tous les coeurs, quand un sublime esprit fait majestueusement son entrĂ©e dans l'autre vie! quand un de ces ĂȘtres qui ont planĂ© longtemps au-dessus de la foule avec les ailes visibles du gĂ©nie, dĂ©ployant tout Ă coup ces autres ailes qu'on ne voit pas, s'enfonce brusquement dans l'inconnu! Non, ce n'est pas l'inconnu! Non, je l'ai dĂ©jĂ dit dans une autre occasion douloureuse, et je ne me lasserai pas de le rĂ©pĂ©ter, non, ce n'est pas la nuit, c'est la lumiĂšre! Ce n'est pas la fin, c'est le commencement! Ce n'est pas le nĂ©ant, c'est l'Ă©ternitĂ©! N'est-il pas vrai, vous tous qui m'Ă©coutez? De pareils cercueils dĂ©montrent l'immortalitĂ©; en prĂ©sence de certains morts illustres, on sent plus distinctement les destinĂ©es divines de cette intelligence qui traverse la terre pour souffrir et pour se purifier et qu'on appelle l'homme, et l'on se dit qu'il est impossible que ceux qui ont Ă©tĂ© des gĂ©nies pendant leur vie ne soient pas des Ăąmes aprĂšs leur mort! Victor Hugo, LittĂ©rature et philosophie mĂȘlĂ©es, Tome 2 , Paris, Librairie L. Hachette et Cie, 1868
Onest l'homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche d'oublier le bas, la fin, l'Ă©cueil, La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ; Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ; Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme oeil.
Pendant que la mer gronde et que les vagues roulent, Et que sur l'horizon les tumultes s'Ă©croulent, Ce veilleur, le poĂšte, est montĂ© sur sa tour. Ce qu'il veut, c'est qu'enfin la concorde ait son tour. Jadis, dans les temps noirs comme ceux oĂč nous sommes, Le poĂšte pensif ne se mĂȘlait aux hommes Que pour les dĂ©sarmer et leur verser son coeur ; Il aimait le vaincu sans haĂŻr le vainqueur ; Il suppliait l'armĂ©e, il suppliait la ville ; Aux vivants aveuglĂ©s par la guerre civile Il montrait la clartĂ© du vrai, du grand, du beau, Etant plus qu'eux tournĂ© du cĂŽtĂ© du tombeau ; Et cet homme, au milieu d'un monde inexorable, Etait le messager de la paix vĂ©nĂ©rable. Il criait N'a-t-on point assez souffert, hĂ©las ! Ne serons-nous pas bons Ă force d'ĂȘtre las ? C'Ă©tait la fonction de cette voix qui passe De demander Ă tous, pour tous, Paix ! PitiĂ© ! GrĂące ! Les devoirs sont encor les mĂȘmes aujourd'hui. Le poĂšte, humble jonc, a son coeur pour appui. Il veut que l'homme vive, il veut que l'homme crĂ©e. Le ciel, cette demeure inconnue et sacrĂ©e, Prouve par sa beautĂ© l'Ă©ternelle douceur ; La poĂ©sie au front lumineux est la soeur De la clĂ©mence, Ă©tant la soeur de l'harmonie ; Elle affirme le vrai que la colĂšre nie, Et le vrai c'est l'espoir, le vrai c'est la bontĂ© ; Le grand rayon de l'art c'est la fraternitĂ©. Ă quoi bon aggraver notre sort par la haine ? Oh ! si l'homme pouvait Ă©couter la gĂ©henne, Si l'on savait la langue obscure des enfers, â De cette profondeur pleine du bruit des fers, De ce chaos hurlant d'affreuses destinĂ©es, De tous ces pauvres coeurs, de ces bouches damnĂ©es, De ces pleurs, de ces maux sans fin, de ces courroux, On entendrait sortir ce chant sombre Aimons-nous ! L'ouragan, l'ocĂ©an, la tempĂȘte, l'abĂźme, Et le peuple, ont pour loi l'apaisement sublime, Et, quand l'heure est venue enfin de s'Ă©pouser, Le gouffre Ă©perdu donne Ă la terre un baiser ! Car rien n'est forcenĂ©, terrible, effrĂ©nĂ©, libre, Convulsif, effarĂ©, fou, que pour l'Ă©quilibre ; Car il faut que tout cĂšde aux branches du compas ; Car l'indignation des flots ne dure pas, L'Ă©cume est furieuse et n'est pas Ă©ternelle ; Le plus fauve aquilon demande Ă ployer l'aile ; Toute nuit mĂšne Ă l'aube, et le soleil est sĂ»r ; Tout orage finit par ce pardon, l'azur. Victor Hugo Mer
Alâoccasion du dĂ©cĂšs de sa petite-fille, George Sand endeuillĂ©e reçoit une lettre de condolĂ©ances de Victor Hugo. Lui-mĂȘme avait Ă©tĂ© frappĂ© par le deuil Ă la mort de sa fille LĂ©opoldine. Commence alors une relation Ă©pistolaire jusquâĂ la
XXII CE QUE CâEST QUE LA MORT Ne dites pas mourir ; dites naĂźtre. Croyez. On voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est lâhomme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche dâoublier le bas, la fin, lâĂ©cueil, La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ; Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre, Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme Ćil. On vit, usant ses jours Ă se remplir dâorgueil ; On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe, On monte. Quelle est donc cette aube ? Câest la tombe. OĂč suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu, Impur, hideux, nouĂ© des mille nĆuds funĂšbres De ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelquâun dans lâinfini Qui chante, et par quelquâun on sent quâon est bĂ©ni, Sans voir la main dâoĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante Lâamour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, dâextase et dâazur sâemplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange. Au dolmen de la tour Blanche, jour des Morts, novembre 1854.
VictorHugo. Ecrivain français (1802-1885) chef de file du romantisme français. Victor Hugo est un poÚte, dramaturge, prosateur et dessinateur romantique français, né le 26 février 1802 (7 ventÎse an X selon le calendrier républicain encore en vigueur) à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris. Il est considéré comme l'un des plus
Ce mercredi 18 juin, les Ă©lĂšves de PremiĂšre passaient le bac français. De toute Ă©vidence, leur sujet de commentaire composĂ© le poĂšme "CrĂ©puscule" de Victor Hugo, ne leur a pas trop plu. Et comme ce sont des jeunes gens modernes et connectĂ©s, ils ont exprimĂ© en masse leur mĂ©contentement sur Twitter. "Victor Hugo si j'te croise dans la rue t'es mort victor Hugo ntm avec ton crĂ©puscule Victor Hugo tu pu vraiment enfoirĂ© , avec ton crĂ©puscule du cul lĂ ! Victor Hugo je te hais. Fini l'Ă©preuve, Victor Hugo ma plus hagarr en 4h que mon rep pendant toute mon enfance vous aussi vous avez relevĂ© la personnification de l'herbe ?? mdrrrr il Ă©tait dĂ©foncĂ© ce Victor Hugo quand il a Ă©crit le poĂȘle bacfrancais Pourquoi tu tapes la discut entre une tombe et un brin d'herbe sale FDPPP victor hugo de tarace bacfrancais Victor Hugo si j'te croise dans la rue t'es mort Segpa Victor Hugo il est compliquĂ© comme garçon wesh pk tu casse les couilles avec ton crĂ©puscule mon frĂšre . bacdefrancais victor hugo c'est satan Nike ta mĂšre Victor Hugo et Nike la mĂšre Ă tes de potes aussi pd Eh Victor Hugo c'est un fdp on comprend rien a ce qu'il raconte, son cerveau il Ă©tait bizarre ptn Y'a Hugo Tout Seul qui fait des vidĂ©os, et Victor Hugo qui lui est pas tout seul dans sa tĂȘte avec ses brins d'herbe bacfrancais bac2014" CrĂ©puscule L'Ă©tang mystĂ©rieux, suaire aux blanches moires, Frissonne ; au fond du bois la clairiĂšre apparaĂźt ; Les arbres sont profonds et les branches sont noires ; Avez-vous vu VĂ©nus Ă travers la forĂȘt ? Avez-vous vu VĂ©nus au sommet des collines ? Vous qui passez dans l'ombre, ĂȘtes-vous des amants ? Les sentiers bruns sont pleins de blanches mousselines ; L'herbe s'Ă©veille et parle aux sĂ©pulcres dormants. Que dit-il, le brin d'herbe ? et que rĂ©pond la tombe ? Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs. LĂšvre, cherche la bouche ! aimez-vous ! la nuit tombe ; Soyez heureux pendant que nous sommes pensifs. Dieu veut qu'on ait aimĂ©. Vivez ! faites envie, O couples qui passez sous le vert coudrier. Tout ce que dans la tombe, en sortant de la vie, On emporta d'amour, on l'emploie Ă prier. Les mortes d'aujourd'hui furent jadis les belles. Le ver luisant dans l'ombre erre avec son flambeau. Le vent fait tressaillir, au milieu des javelles, Le brin d'herbe, et Dieu fait tressaillir le tombeau. La forme d'un toit noir dessine une chaumiĂšre ; On entend dans les prĂ©s le pas lourd du faucheur ; L'Ă©toile aux cieux, ainsi qu'une fleur de lumiĂšre, Ouvre et fait rayonner sa splendide fraĂźcheur. Aimez-vous ! c'est le mois oĂč les fraises sont mĂ»res. L'ange du soir rĂȘveur, qui flotte dans les vents, MĂȘle, en les emportant sur ses ailes obscures, Les priĂšres des morts aux baisers des vivants. Chelles, aoĂ»t 18... Bon ben, je comence Victor Hugo, cĂ© un Ă©crivain francais de la renaisance, je croi. Il es nĂ© je sĂ© pas tro ou, passe que des place Victor Hugo, y'en a pas mal, alors je pence qu'il est assĂ© cĂ©lĂšbre. Voila ce que je peut vous dire sur l'auteur de ce poĂšme. Si on comte bien, on a sept paragrafes de quatre vers et je sais coment sa s'appel des alecsandrin j'espĂšre que vous me metrer au moins un point pour sa. Le poĂšte se promĂšne au bord d'un Ă©tan. Il dit qu'il est mystĂ©rieu, je sais pas pourquoi. PrĂšs de chez moi, aussi, y'a un Ă©tan, mais je le trouve pas mystĂ©rieu. Y'a une vieil godasse , un vieu pneux et un vĂ©lo tout rouyĂ©. Bon, ben un suaire, je sait c'que c'est pace qu'il y a une note linceul, c'est-Ă -dire drap blanc qui envelope les dĂ©funs. Les moires, y disent que c'est les refles changeants, mats ou brillants, de certains tissu. C'est pas bien guai tout ça ! Bon, alors Victor Hugo dit que l'Ă©tang frisone, donc il a froid. Donc sa se passe en iver, dans la forĂ© et il demande au lecteur sil a vu VĂ©nus. Pour moi, VĂ©nue, cĂ© une joueuse de tenis. En fai, VĂ©nus, sa doit ĂȘtre sa copine. Et il doit vraiment avoir du mal Ă la trouvĂ© passe qu'il pose la question plusieur foi. Non, Victor, on n'a pas vu VĂ©nus, ni dans la forĂ©, ni sur les colines. Peut-ĂȘt qu'elle est en boite ou qu'elle le tronpe avec un autre "ĂȘtes-vous des amants ?". Bon, alors il dit que les sentiers bruns sont plein de blanches mousselines. Il compare la neige a de la purĂ© mousseline. Et puis aprĂšs, y a un truc vraiment zarbi. Victor Hugo, il a vĂ©cu sur une ile dĂ©sserte et il a fumer des trucs bizar pace qu'il dit "L'herbe s'Ă©veille et parle aux sĂ©pulcres dormants". Ăa m'est arrivĂ© moi aussi, mais franchemen, jĂ© pa Ă©prouver le besoin d'Ă©crir un poĂšme. Alors, il a l'air d'ĂȘtre vraiment partie dans un trip pass qu'il entent l'herbe parlĂ© aux "sĂ©pulcres" la note dit que ça veut dire "tombeaux" et lui, il voudrais savoir ce qu'elle dit l'herbe "Que dit-il le brin d'herbe ? et que rĂ©pond la tombe ?" Donc d'abord il demande ou est sa copine VĂ©nus et mainteunan il demande ce que dis l'herbe au tombeau. Mais lĂ , il rĂ©pont "Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs. LĂšvre, cherche la bouche ! aimez-vous ! la nuit tombe..." Donc c'est l'hivĂšre, il fait froit et il conseille aux amoureu de se serrez l'un contre l'autre et de faire des chose pour avoir moins froit. Bon, ça fait dĂ©jĂ trois strofes ! AprĂšs il parle de Dieu qui conseille aux amoureu de s'aimĂ© et de priĂ©. Pour moi, c'est pas pareille. Peux-ĂȘte qu'il faut s'excusĂ© auprĂšs de dieu aprĂ© avoir fait l'amour. Je sait pas. Truc de ouf ! Bon, alors aprĂšs il dit que "les mortes d'aujourd'hui furent jadis les belles". Tiens, il faudrat que je dises sa Ă ma copine, que le vers luisan tient un flambeau, que le vent fait tressaillir le brin d'herbe. L'herbe lui fait avoir des vision. Il voit aussi une chaumiaire et il entent le pas d'un gars qui fauche les afaire et il vois une Ă©toile. CĂ© joli. Sa resemble au calendriĂ© des Poste. A la fain, il parle des fraises. Ăa, je sais ce que cĂ© et il dit "c'est le mois oĂč les fraises sont mĂ»res", mais come les fraises, aujourdhui, on en trouve dans les supermarchĂ©, je sais pas quel mois cĂ©. Et puis il parle de l'Ange du soir, sans doute un de ses pote et il le vois floter dans le vent son erbe, sa doit vraimen ĂȘt de la bonbe et Ă la fain, c'est carĂ©ment gotique il parle des baiser des mort vivant.
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Estce donc la vie dâun homme ? Oui, et la vie des autres hommes aussi. Nul de nous nâa lâhonneur dâavoir une vie qui soit Ă lui. Ma vie est la vĂŽtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis ; la destinĂ©e est une. Prenez donc ce miroir, et regardez-vous-y. On se plaint quelquefois des Ă©crivains qui disent moi. Parlez-nous de
RĂ©sumĂ© Le dernier jour dâun condamnĂ© raconte lâhistoire des derniers moments de vie dâun prisonnier. Câest sous la forme dâun monologue interne que le condamnĂ© relate ses impressions et ses Ă©motions depuis son arrivĂ©e en prison jusquâau moment de son est la seule occupation quâil peut exercer dans sa cellule. Sans jamais mentionner son identitĂ© ou bien son crime, le condamnĂ© fait part de ses peurs mais aussi de ses espoirs. Lâobjet de ces derniĂšres pensĂ©es se dirigent vers sa fille, sa femme et sa mĂšre . Analyse / explication du livre Victor Hugo livre un plaidoyer politique pour lâabolition de la peine de de mort Ă travers le rĂ©cit du dernier jour dâun homme dont on ne connaĂźt rien de son passĂ© ou de son identitĂ©. Cette absence de renseignement concernant lâindividu en question est expliquĂ©e par Victor Hugo par le fait que le lecteur aurait pu manquer dâobjectivitĂ© en dĂ©crĂ©tant que cet individu lĂ en particulier ne mĂ©ritait pas de mourir. Il ne voulait pas quâon sâattache Ă un personnage en particulier. Victor Hugo souhaitait montrer quâaucun des individus, quels que soient leurs crimes ou leurs pĂ©chĂ©s, ne mĂ©ritent dâĂȘtre exĂ©cutĂ©s. Câest dans le but de rendre ce plaidoyer universel et applicable Ă chaque situation et individu que lâanonymat du personnage principal est gardĂ© secret. Dans la prĂ©face de 1832, Victor Hugo insiste tout particuliĂšrement sur la portĂ©e sociale de son Ćuvre. Citations Le dernier jour dâun condamnĂ© âLes mots manquent aux Ă©motions.ââQuâest-ce que la douleur physique prĂšs de la douleur morale !ââLes hommes, je me rappelle lâavoir lu dans je ne sais quel livre oĂč il nây avait que cela de bon, les hommes sont tous condamnĂ©s Ă mort avec des sursis indĂ©finis.ââIl faut convenir que les moeurs vont se dĂ©pravant de jour en jour âŠâ Quelques mots sur lâauteur Victor Hugo 1802 â 1885 est un Ă©crivain, poĂšte, dramaturge et homme politique français. Il montre dĂšs son plus jeune Ăąge un vif intĂ©rĂȘt pour la littĂ©rature. Hugo prend ses racines dans le romantisme dont il devient une figure de rĂ©fĂ©rence. En 1827 il brise les rĂšgles et les conventions classiques dâunitĂ© de temps et de lieu avec la prĂ©face de Cromwell. Câest suite Ă la mort de sa fille LĂ©opoldine qui le touche profondĂ©ment que Victor Hugo se lance dans une carriĂšre politique et participe Ă la rĂ©sistance contre NapolĂ©on III en meurt en 1885 Ă la suite dâune congestion pulmonaire. Il est emmenĂ© au PanthĂ©on comme hommage national. Autres oeuvres de lâauteur Les Orientales 1829 Les misĂ©rables 1862 Notre dame de Paris 1831 Oeuvres similaires â Dans ces deux oeuvres Victor Hugo utilise sa voix pour dĂ©fendre des causes et des sujets qui lui tiennent Ă coeur, de la mĂȘme maniĂšre que dans Le dernier jour dâun condamnĂ©. La prĂ©face des Orientales 1829 Les misĂ©rables 1862
ARCHIVES- Il y a 130 ans, Victor Hugo, génie littéraire et homme politique s'éteint aprÚs une longue agonie. Le Figaro du 23 mai 1885 lui consacre l'intégralité de son supplément
Tu nâes plus lĂ oĂč tu Ă©tais, mais tu es partout lĂ oĂč je suis. » Les recherches qui ont menĂ© Ă cet article tu nes plus lĂ oĂč tu Ă©tais mais tu es partout lĂ oĂč je suis, tu n\es plus lĂ oĂč tu Ă©tais mais tu es partout lĂ oĂč je suis, tu nes plus la ou tu etais, citation pour dĂ©cĂšs, yhs-ddc_bd, citations de deuil, tu n es plus la ou tu etais victor hugo, Tu nes plus lĂ oĂč tu Ă©tais mais tu es partout ou je suis, tu n\es plus la ou tu etais, tu nes plus la ou tu Ă©tais victor hugo, paroles de victor hugo sur le deuil, tu n es plus la ou tu Ă©tais poĂšme, tu nes la pas ou tu es, victor hugo tu es partout ou je suis ».
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